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Psaume pour commencer
la semaine d’un bon pied

( Psaume 24 )

(écouter l'enregistrement - culte entier)

Culte du dimanche 2 mars 2014
prédication du pasteur Marc Pernot

Nous ne savons rien des circonstances d’écriture de ce Psaume de David. Ce que nous savons, par contre, c’est l’usage qui en était fait au moment de sa traduction en grec à Alexandrie en -300. Il a été alors ajouté dans l’entête « Psaume pour le premier jour de la semaine ». À lire ce Psaume, quel titre lui aurions nous donné ? Psaume pour entrer en contact avec Dieu ? ou Psaume pour s’ouvrir à la venue de Dieu dans notre existence ? Psaume pour ouvrir le culte et invoquer la présence de Dieu ? Psaume pour méditer sur le règne de Dieu qui s’est approché en Christ ? À chacun d’avoir son interprétation, puisque la Bible est « le livre écrit pour nous personnellement », comme le dit le Psaume 40. L’expérience des anciens nous propose d’utiliser ce Psaume pour commencer la semaine du bon pied. Un Psaume pour se souhaiter un joyeux lundi, une belle semaine. Un Psaume pour prendre courage et vivre dans le monde.

Remarque, suite à une discussion à la sortie du culte : Le Sabbat était le "7e jour de la semaine", et le "1er jour" était donc le lendemain, 1er jour d'une nouvelle semaine. Comme les chrétiens ont reapidement adopté le dimanche(pour diverses raisons, voir ici et ), le lundi est pour nous aujourd'hui ce 1er jour de la semaine évoqué dans ce Psaume 24 (d'ailleurs, ce Psaume porte le n°23 dans la traduction évoquée (Bible des Septantes).

Ce Psaume 24 commence par nous placer devant Dieu, et cela fonde une confiance pour aller dans le monde. Il est certes un peu chaotique comme la mer et les fleuves peuvent l’être, mais il a un bon fond, posé par l’Éternel. Ce n’est même pas une espérance dans un lendemain meilleur, c’est une confiance. Pas une confiance dans le monde mais une confiance en Dieu. Il est le créateur et donc ce monde n’est pas mauvais. Ce n’est pas de la naïveté, c’est un regard sage et bienveillant. Nous n’aimons pas le monde malgré le chaos, mais parce qu’il en vaut la peine. Nous aimons les gens, nous aimons la vie parce qu’au fond il y a quelque chose de bon qui est fondé par l’Éternel, et que lui est bon. Jusqu’à notre propre existence avec tout ce qui l’emplit qui est aimée par lui, soutenue, fondée solidement.

Nous avons là une théologie du monde.

Ce monde et ce qu’il renferme n’est pas impur nous dit l’apôtre Paul qui utilise lui aussi ce Psaume 24 pour encourager les chrétiens en ces termes :

« La terre et tout ce qu’elle renferme est au Seigneur,
et donc, si un non-croyant vous invite et que vous vouliez y aller, mangez de tout ce qu’on vous présentera sans vous enquérir de rien par motif de conscience. » (1 Corinthiens 10:26-27).

Et Paul fonde sur cette théologie du monde son fameux principe de liberté individuelle du chrétien dans le monde : « Tout est permis, mais tout n’est pas utile; tout est permis, mais tout ne construit pas. » (1 Cor. 10 :23)

Là encore, ce Psaume est source de confiance pour aller dans le monde, pour vivre même dans le monde païen, à sortir, rencontrer des gens, manger avec eux si l’on veut, sans rien considérer d’impur par principe. Paul nous encourage ainsi à sortir dans le monde et à l’aimer en ayant la même visée que Dieu pour le monde en cherchant ce qui est constructif.

Voici donc un Psaume pour bien commencer la semaine, une méditation pour faire que cette semaine toute neuve soit une étape dans ce bon projet qu’est la création du monde.

Oui, mais comment ? David nous propose de nous poser ensemble deux questions :

David nous propose de fonder notre perspective présente sur une anthropologie (une conception de l’humain) et sur une théologie (une conception de Dieu).

Qui pourra monter à la montagne de l’Éternel ?
Qui se lèvera dans le lieu de sa sainteté ?

C’est un programme ambitieux, effectivement, d’espérer monter avec nos petites forces jusqu’à la sainteté de Dieu ! Pourtant c’est la vision de l’humain proposée par la Bible : un homme capable de Dieu ! David déploie alors l’image d’un homme idéal où nous reconnaissons le Christ. Rien de moins. Mais là encore, le Psaume nous donne du courage. Si  l’on prend ce paragraphe dans son ensemble, de la question du début à la réponse à la fin, voilà ce dont David témoigne :

Qui pourra monter jusque-là (à la perfection de Dieu) ?
C’est la génération de ceux qui te cherchent.

L’ambition pour l’homme est infinie, mais elle est simplement à accueillir comme une naissance dont Dieu est l’auteur. Et le témoignage de David devient tout d’un coup une prière, une prière toute simple qui demande à Dieu cette montée, cette élévation, cette naissance. Cette prière qui est la clef de notre genèse est venue comme spontanément aux lèvres de David suite à cette interrogation sur l’idéal de l’homme. 

Sa pensée chemine, il part de l’image d’un homme parfait, presque l’égal de Dieu dans la sainteté, un être actif avec des mains qui ne font que du bien, une pureté aussi du cœur (de son intelligence et de sa sensibilité). David regarde en lui-même, comment avancer dans cette direction ? Fondamentalement, la qualité essentielle que dégage David pour s’ouvrir à cette genèse qui vient de Dieu, c’est la sincérité. Sincérité avec les autres et sincérité avec soi-même. Il n’y a rien de pire que de se mentir à soi-même. Le courage d’entrer dans le monde commence par le courage d’entrer dans son propre monde. Si l’on a un problème, il faut oser ouvrir les yeux dessus afin de pouvoir y travailler, permettre à Dieu de travailler dessus, et pouvoir demander de l’aide à des personnes de confiance. C’est par la sincérité aussi que nous pouvons former corps ensemble et nous entraider dans cette marche vers le haut, s’appuyant les uns sur les autres au lieu de se faire des croche-pattes, ou simplement de jouer perso.

Mais comment avoir ce courage de la sincérité ? David le trouve dans la bénédiction de Dieu. Le nom de David veut dire « le bien aimé de Dieu », nous sommes cet enfant que Dieu aime comme une mère idéale aime son enfant, d’un amour matriciel, un amour pour celui qu’elle a porté et un amour qui fait naître à la vie.

L’Évangile du Christ s’ouvre aussi sur cet appel à la sincérité personnelle comme une plongée dans la grâce de Dieu, comme une confiance dans le fait qu’il est là, proche et bienfaisant : « Le temps est venu, le règne de Dieu s’est approché, convertissez-vous et ayez confiance en la bonne nouvelle. » (Marc 1:15).

La question n’est pas celle du pardon de nos fautes ou de nos insuffisances, puisque que toute façon, l’amour est au-delà même du pardon. Mais la grâce de Dieu nous justifie, cette grâce nous rend juste de deux façons.

Comme le dit David, elle est un regard bienveillant qui nous permet de voir en réalité nos qualités propres. Nous n’en sommes pas dépourvu.

Et cette grâce est une bénédiction pour augmenter en nous le bien.

C’est alors que la prière vient à David comme une louange de cette genèse en lui de l’homme déjà capable d’espérer Dieu. C’est une prière de confiance qui sait d’expérience pouvoir compter sur Dieu pour poursuivre son œuvre de création en nous (dans sa prière, David pense non plus seulement à l’homme en général, ni à lui-même en particulier, mais il pense aux humains, au pluriel).

Dans l’Évangile, c’est toujours Jésus qui est présenté comme montant sur la montagne. Ses disciples montent à sa suite, il les enseigne et les guérit de leurs infirmités, il les nourrit (Mat. 15 :29). Ce n’est pas seulement pour l’anecdote mais c’est un témoignage pour évoquer ce temps de génération en nous de l’humain capable de vivre le premier jour de la semaine, comme un joyeux lundi. Car l’homme est alors capable de Dieu.

David nous propose de vivre ce premier jour de la semaine comme Jacob, le 3e patriarche. Jacob est aux antipodes de la franchise et de la sincérité au début de son histoire (Gen. 25), mais il progresse vers une fin heureuse de réconciliation avec son frère et de bénédictions partagées (Gen. 33). Mais ce qui est particulier en Jacob, par rapport à Abraham, c’est précisément la façon d’avancer dans le monde.

Dieu bénit Abraham avant qu’il n’ait rien fait (Gen.12), puis Dieu ordonne à Abraham d’avancer aveuglément sur le chemin où Dieu l’enverra. Et Abraham le fait. C’est un type de foi, basée sur la confiance et la soumission.

Jacob est plus libre qu’Abraham. Dieu le bénit mais en lui disant d’avancer comme il l’entend sur le chemin que lui indiquera son cœur, et Dieu lui promet qu’il l’accompagnera pour l’aider en chemin, pour l’aider à revenir dans le bien s’il s’égare (Gen. 28:15).

Abraham a la foi de l’enfant, Jacob a la foi de l’adulte qui ose tracer son propre chemin, confiant que Dieu l’accompagnera fidèlement. Jacob, c’est un courage pour oser inventer son propre chemin dans le monde, c’est une énergie au travail pour vivre et faire vivre. Jacob est le patriarche du joyeux lundi. Il est fort de la bénédiction reçue la veille.

David prie pour la genèse de l’humain en lui, en nous. En réponse, en exaucement, il reçoit le courage de s’ouvrir, avec ce cri qui est comme une voix de Dieu en lui, appelant :

Portes, élevez vos linteaux,
Élevez-vous, entrées éternelles !

La vie que Dieu veut pour nous n’est pas de nous barricader à quelques-uns dans un camp retranché, protégé par de solides murailles de dogmes, de rites, d’institutions et de morale. Ce serait un rempart contre le chaos, dans un sens, mais c’est aussi la mort, un enfermement dans le minéral. Alors :

« Portes, élevez vos linteaux. »

C’est une bénédiction et c’est un appel.

Dans la civilisation de l’époque, la porte de la ville était le lieu de discussion avec les autres, le lieu du négoce et de la négociation. D’ailleurs le mot « porte » utilisé ici en hébreu, vient de (shaar) penser et calculer. Élever le linteau de ses portes, c’est élever le débat dans de multiples directions, dans de multiples domaines. Pour élever le débat, il faut accepter de débattre. Le faire à la porte de la ville, ouverte dans nos murailles, débattre avec des personnes ayant des idées diverses, des personnes de l’intérieur pensant un peu comme nous et d’autres venant de l’extérieur.

De toute façon, nous disait David en introduction, « Le monde et tout ce qu’il renferme est à l’Éternel » le monde des idées aussi, « il l’a fondé sur la mer », sur le chaos de la folie et de la sagesse des hommes, de leurs expériences et de leurs intuitions, de leurs espérances. De ce Psaume, Paul nous invite à aller manger chez des païens, osons lire, osons nous interroger, discuter, nous en nourrir… mais faire aussi le tri, car si tout est permis tout n’est pas constructif, tout n’élève pas l’édifice. Il n’est pas dit qu’il faudrait élargir nos portes, et nous ouvrir sur n’importe quel raz des pâquerettes, mais élever le linteaux de nos portes, élever notre attente,  nous ouvrir à des choses plus complexes que ce à quoi nous avons l’habitude, des réalités plus spirituelles, et attendre ainsi à recevoir, au détour d’une conversation la visite d’un ange du Très Haut. Car « il vient, le roi de gloire ». Il vient pour nous.

Donc, « Portes, élevez vos linteaux », un bel encouragement pour les rencontres de la semaine, et pour le dimanche aussi, car même ici où nous sommes entre nous, nous sommes riches de notre diversité, nous sommes aussi à la porte, ayant levé bien haut nos linteaux.

Et maintenant, la voix de Dieu, celle qui en nous est source de force et de confiance nous dit :

 « Élevez-vous, ouvertures éternelles ! »

Là il s’agit vraiment du mot porte, pas celle de la porte de la ville où l’on discute mais des ouverture de la maison. La première porte était une ouverture au débat, la seconde est une ouverture tournée vers l’éternité, tournée vers Dieu directement pour recevoir de lui l’Esprit. L’ouverture à cet indicible dont on ne peut même pas discuter.

Après cette double ouverture, David nous invite à faire le point. Nous nous sommes ouverts à ce « roi de gloire qui vient »

Mais qui donc est ce roi de gloire ?

Mieux vaut savoir en quel Dieu on croit, quel Dieu on espère. Là encore, la sincérité vis-à-vis de soi même est assez essentielle. Qu’est-ce qui m’anime vraiment ?

Le Roi de gloire qui vient, nous dit David, c’est l’Éternel, celui qui aime, qui sauve, qui pardonne, qui bénit. C’est ainsi qu’il est le créateur de l’univers, un Dieu fort, brave, puissant. Dieu est à la fois amour et force. Son amour n’est pas juste le sentiment d’une douce présence qui nous dit : tout va bien, rendors-toi. Non, il est une puissance de transformation qui nous dit : tout va bien, perce les murailles et fonce, je suis avec toi.

Une ouverture sur le monde

Alors oui, élevons nos portes pour qu’il entre, ce roi de gloire. C’est le premier sens de ce cri de l’Esprit en nous. Mais ce cri peut être également compris dans l’autre sens : élevons nos portes car il est venu, le roi de gloire. Les deux sont à vivre en parallèle, peu à peu. Car nous devons nous ouvrir pour recevoir Dieu, et nous ne pouvons avoir le courage de sortir de notre coquille que si nous avons reçu ce courage de Dieu.

Dans le premier cas, il s’agit de laisser entrer Dieu. Dans le second il s’agit de sortir dans le monde selon notre vocation propre puis de rentrer chez nous pour reprendre des forces. Christ est une porte pour entrer et pour sortir en liberté, nous dit l’Évangile (Jean 10:9). Et là, dans cette respiration toute simple est la vie en ce monde. Vie déjà vivante de quelque chose d’éternel, alors que nous ne sommes aujourd’hui peut-être que dans un dimanche ordinaire s’il n’était la veille d’un lundi où nous serons extraordinaires. Un petit peu. Parce que nous sommes comme ça. Nous le serons pour la beauté du geste. Par amour pour Dieu. Et peut-être par amitié pour quelqu’un que l’on aime.

Amen.


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Lecture de la Bible

Psaume 24

1 Psaume de David.
[pour le premier jour de la semaine.]

À l’Eternel le pays et ce qui le remplit,
La planète et ceux qui l’habitent!
2 Car il l’a fondée sur les mers,
Et affermie sur les fleuves.

3 Qui pourra monter à la montagne de l’Éternel ?
Qui se lèvera dans le lieu de sa sainteté ?

4 Il est innocent des mains et pur de cœur,
Il ne porte pas son être vers le mensonge,
Et il ne jure pas pour tromper.
5 Il porte la bénédiction de l’Éternel,
La justice du Dieu de son salut.
6 Voilà la génération
de ceux qui te cherchent, De ceux qui cherchent ta face,
(ceux qui sont comme) Jacob !

Pause.

7 Portes, élevez vos linteaux;
Élevez-vous, ouvertures éternelles !
Car il vient le roi de gloire !

8 Qui est ce roi de gloire ?
L’Éternel fort et brave,
L’Éternel brave dans les combats.

9 Portes, élevez vos linteaux;
Élevez les ouvertures éternelles !
Car il vient le roi de gloire !

10 Qui donc est ce roi de gloire ? -
L’Éternel des puissances,
Voilà le roi de gloire !

Pause.