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Promesse d’embauche et plan de formation

(Matthieu 3:16-17 puis 4:17 à 5:3)

(écouter, culte en entier, imprimer)

Le dimanche 25 août 2019
Au temple des Eaux-Vives - Genève
prédication du pasteur Marc Pernot

P rogramme de rentrée.

Où l’on commence par le commencement.

Dans ce texte, nous voyons les premiers pas de Jésus commençant à dire ses premiers mots, à faire ses premiers gestes. Quel est son programme, quel est le service qu’il doit rendre ? Sauver le monde. Sauver chacune et chacun. Mais plus précisément ? Changer les mentalités, comme il le dit en reprenant les paroles de Jean-Baptiste (4 :17), changer les mentalités et que chacun se sente partie prenante du Royaume des Cieux.

Ce programme demande quelques éclaircissements, avant de voir la façon dont il va entreprendre sa mission.

Dieu donne deux choses à chaque personne : la grâce et une vocation.

La vie humaine prend sa beauté dans la circulation de ces deux dimensions dans notre être, dans notre vie. La grâce et la vocation, ou la bénédiction et le service. Deux réalités qui sont comme l’air dans nos poumons et le sang dans nos artères. Que l’une ou l’autre circulations cesse et nous voilà très mal, oppressé, tombant à terre. L’une et l’autre circulant dans notre être, c’est le Royaume de Dieu venu à nous, en nous, et par nous.

C’est cela que Jésus va devoir manifester à chacune et à chacun. Ce n’est pas facile. Comment faire ? Écrire un livre ? Jésus laisse cela à d’autres. Il incarne ces réalités fondamentales, et puis il embauche et il forme.

L’itinéraire que vit lui-même Jésus commence par la grâce et l’amène à vivre sa vocation.

Il a pris conscience de la grâce de Dieu de façon particulière, lui faisant sentir que Dieu parle de lui en disant : « celui-ci est mon fils bien aimé, en qui j’ai mis toute mon affection » (3:17) Cette voix est pour nous, tout autant, même si ce n’est pas vécu de façon aussi vive par tous. Viennent ensuite 40 jours de combats intérieurs. Comme toujours dans la Bible, le chiffre 40 sert à qualifier une période pour dire que c’est un temps de gestation. Ce temps est donc le temps pour que naisse un nouveau Jésus. Il se lance dans son nouveau métier.

Pour lui, sa vocation l’amène à un changement de métier. Ce n’est pas forcément le cas. Normalement, la grâce s’incarne dans un changement de mentalité, comme il est dit ici, une autre façon d’exercer notre vie quotidienne, avec nos proches, par exemple Jésus ne demande pas au centurion de changer de travail, ni à Zachée le péager, ni à Nicodème qui était au parlement.

Jésus, lui, était menuisier-charpentier. C’était un métier d’honorable condition, plus proche du métier d’entrepreneur que de celui d’ouvrier. D’après des témoins du IIe siècle, sa spécialité était de fabriquer des outils : des charrues, des haches et des jougs (Justin Martyr « Dialogue avec Tryphon » 88:8). Peu importe, si ce n’est que le métier de Christ, de Sauveur du monde a dû lui sembler nécessiter une pleine disponibilité de son temps et de ses mouvements. Jésus se reconvertit, il devient enseignant itinérant, soutenu par des personnes ayant des moyens. Heureusement, car il faut bien manger et s’abriter pour vivre.

Jésus a vécu cet itinéraire, de la grâce reçue à la vocation trouvée, assumée, vécue, incarnant la grâce dans des geste de salut pour d’autres. Comment transmettre cette vie, cette envie à d’autres ? Et que ça puisse se transmette, que ça fasse boule de neige ?

Jésus va chercher à embaucher des personnes, puis à les former. Ce récit de l’Évangile est pour nous une promesse d’embauche avec son plan de formation.

« Jésus voit ... des pêcheurs de poissons. Il leur dit: Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’humains. » (4:19)

En réalité, cette formation a une partie théorique où Jésus enseigne, et une partie d’apprentissage. Je ne pense pas que l’on puisse être formé autrement à ce à quoi nous sommes appelés. L’Évangile du Christ est un enseignement et c’est un apprentissage, avec des sujets de réflexion, et avec des expériences à faire.

Ce n’est pas simplement des paroles à répéter ou des gestes à reproduire, c’est la difficulté, car cela doit s’incarner spécifiquement en chacun de nous. C’est le propre de la Parole de Dieu : elle n’appelle pas à la soumission mais se fait chair (Jean 1:12-14). C’est ce que signifie le fait que Jésus croisant deux pêcheurs de poissons les embauche comme pêcheur d’humains.

Je ne pense pas qu’il faille chercher trop loin quel serait cet étrange métier de pêcheur d’humains. C’est juste une façon d’exprimer que leur vocation s’inscrit dans ce qu’ils sont tout en étant un changement de perspective, un changement de mentalité. Il aurait pu faire le même jeu de mots pour les 2 autres frères : Jacques et Jean étaient en train de réparer des filets, Jésus aurait pu leur dire : venez, je vous ferai réparateurs d'humains, parce que c’est cela aussi que nous voyons Jésus faire : il repêche le meilleur de chacun pour le remonter à la surface, et il répare aussi les humains cassés, renouant les fibres de leur être éparpillé. Il est aussi semeur d’humain, il est boulanger d’humain en faisant lever la pâte de notre vie en y incorporant un souffle de vie nouvelle, etc.

Cela veut dire que notre façon d’exercer la vocation universelle de l’humain est quelque chose qui correspond tout à fait à ce que nous sommes, seulement, la dimension humaine devient tout à coup la priorité ultime, une incarnation de la grâce.

Cette façon d’être s’observe dans les paroles de Jésus mais aussi dans ses gestes. Reprenons ce récit, puisque c’est ainsi que l’Évangile nous propose d’apprendre notre métier d’humain.

Jésus commence son nouveau métier par cette parole qu’il reprend de son cousin Jean : « Changez de mentalité car le royaume de Dieu s’est approché ». Cela montre qu’il travaille sur l’humain, qu’il travaille à mobiliser le meilleur de chacun. Et cela dit la grâce de Dieu, qui déjà, nous tend la main.

Ensuite un geste : « Marchant le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre, et André son frère ». Jésus marche et il voit, ce qui implique qu’il s’intéressait aux gens et qu’il était prêt à se laisser surprendre. Jésus voit deux hommes, et ces hommes ont un nom. Il s’adresse à eux, compte sur eux. Tout cela, chacun de ces éléments dit son attention pour la personne. Les deux frères ont dû le sentir. C’est de la grâce de Dieu qui s’incarne.

Une grâce primordiale reçue par Jésus, intégrée au désert, mobilisée par l’Esprit, lui inspirant en cette occasion ces gestes inspirants pour d’autres. C’est un peu le mécanisme profond, de la grâce et de la vocation. Jésus parle de ce cheminement dans son testament spirituel selon Jean « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. » (Jean 15:9) La grâce a fait lever la pâte, elle a commencé à pêcher au fond de la personne humaine un désir de faire quelque chose, elle a peut-être renoué un brin d’estime de soi, un brin de générosité, un brin de foi, un brin d’intelligence et de sens de l’instant unique...

Dans un apprentissage, la leçon est donnée pour être méditées, réfléchie, afin de l’intégrer. Et le geste est montré par le maître afin que nous nous exercions à le faire, le refaire, le parfaire.

Cela commence par saisir la grâce qui passe pour l’intégrer dans notre façon d’être. Cela est un travail quotidien que l’on peut faire en parallèle de nos réflexions théologiques et philosophiques. Aller à la pêche des bons gestes qui passent, dans la mémoire de notre passé et dans la journée que l’on vient de vivre : le beau geste qui nous a touché, que nous en ayons été le bénéficiaire, l’auteur, ou le spectateur. Le ruminer, s’en réjouir, le présenter à Dieu en lui demandant de tisser cette grâce dans les fibres de notre façon d’être. Se préparer à s’essayer à exprimer ce que cela nous inspirera, à notre façon, selon nos moyens et l’occasion qui se présentera.

Après l’appel des quatre, dans ce récit des premiers pas de Jésus comme Christ, vient ensuite de nouveau un temps de formation théorique par l’enseignement : Jésus se démène, allant partout pour prêcher la Bonne Nouvelle de ce Dieu qui s’intéresse à la personne humaine.

Puis de nouveau il passe aux gestes, soulageant les gens de leurs souffrances. Je ne sais pas comment il faisait. Ce qui est certain c'est que ça fait partie du métier qu'il montre à ses apprentis. Pour ce qui est des maladies, à mon avis cela encourage les médecins à soigner les corps avec une forte dimension humaine. En ce qui nous concerne tous, ce qui est certain c’est qu’avec la seule dimension humaine, chacun peut déjà faire un bien formidable. Car :

Cela aussi s’exerce. À commencer par le regard sur l’humain. Bien des détresses sont à peine visibles sous la surface, comme les poissons. Dans la découverte de la personne particulière : Simon n’est pas André, même s’ils se ressemblent comme des frères, et nous ne sommes pas Jésus-Christ. Ensuite, ce n’est souvent pas à nous d’aller chercher avec nos gros doigts la paille qui est dans l’œil de notre prochain (Mt 7:3-5), et encore moins d’essayer de l’enlever avec une clef à molette. Peut-être, parfois, voyant que l’autre à mal à son œil nous pouvons sentir quelque chose de la grâce primordiale qui s’exprime dans un frémissement de compassion en nous. Et donc dans un début de vocation pour nous. Elle est à vivre comme on le peut, comme on le sent, timidement, peut-être. Mais en exprimant la grâce par un peu d’attention profonde, c’est souvent tout simple et très fécond. Même si comme le dit Jésus, un peu plus loin dans son testament spirituel selon Jean « Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. »(Jean 15:20). Nous voici prévenus, et sur la fécondité de chaque de grâce et sur les difficultés qui nous attendent.

Jésus poursuit leur formation d’apprentis humains.

« Voyant la foule »5:1 : encore une fois, cette attention à l’autre, à l’humain dans cette foule de personnes venues de partout.

« Jésus monta sur la montagne » : dans le contexte de cette culture, « la montagne » évoque l’élévation par la réflexion et par la prière. Ce récit détaille un geste : après avoir observé ceux qui nous entourent, confier notre observation à la source ultime de toute grâce, pour que de ce rapprochement naisse une vocation, ou non, de faire quelque chose. Ce n’et pas toujours le cas. Parfois, Jésus chasse la foule pourtant avide de son enseignement et de ses gestes qui délivrent. Et parfois Jésus se laisse déranger dans sa prière pour passer à l’action. Ce jour là, Jésus décide de faire le geste de s’asseoir, cela veut dire qu’il va prendre du temps pour eux en les enseignant.

« Après qu’il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. » Déjà, de ce regard qu’ils ont senti, de cette volonté de prendre du temps pour eux, quelque chose de la grâce a été manifesté, et déjà, rien que cela leur fait du bien : la foule s’approche de lui qui s’était élevé, donc eux aussi sont élevés, et comme presque tout le temps dans les évangiles « s’approcher » du Christ n’est pas une question de centimètres, c’est un rapprochement dans la mentalité et dans la façon d’être.

« Puis, ayant ouvert la bouche, il les enseigna, et dit : Heureux les pauvres en Esprit, car le royaume des cieux est à eux ! » 5:3

Cela est autant pour chaque personne de la foule que pour ses apprentis humains en formation. Celui qui est « pauvre » est une personne qui a fort peu mais qui n’est pas non plus complètement démunie. Jésus nous invite à nous reconnaître dans ce « pauvre en Esprit » et donc bien saisir à la fois que nous avons déjà quelque chose du souffle créateur de Dieu en nous, et à la fois que nous pouvons le demander à Dieu dans la prière que nous en ayons plus, que Dieu agisse puissamment en nous.

Cela nous permettra d’être de bons apprentis humains, vraiment. A la fois demandant à Dieu de continuer à nous former, et se sentant déjà capable de prendre notre part à l’œuvre de la grâce dans ce monde. Tranquillement, à notre mesure d’apprenti en formation.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

 

 

Lecture de la Bible

Matthieu 3:16-17 puis 4:17à 5:3

3:16 Aussitôt baptisé, Jésus remonta de l'eau. Alors les cieux s'ouvrirent pour lui, il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17Et une voix retentit des cieux : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en qui j’ai mis toute mon affection. 4:1Alors Jésus fut emmené par l'Esprit au désert.

[... Suit alors le récit de ce temps de combat intérieur de jésus, pendant 40 jours et 40 nuits. Puis, finalement, ayant appris que Jean a été arrêté, Jésus se décide : ]

Jésus commença à prêcher et à dire : Changez de mentalité, car le royaume des cieux s’est approché.

18 Marchant le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre, et André son frère, qui jetaient un filet dans la mer; car ils étaient pêcheurs de poissons.

19 Il leur dit: Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’humains. 20 Aussitôt, ils laissèrent les filets, et le suivirent.

21 Avançant encore, Jésus vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui étaient dans la barque avec leur père Zébédée, réparant leurs filets. Il les appela 22et aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent.

23 Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, prêchant la bonne nouvelle du royaume, guérissant toute maladie et toute infirmité dans le peuple. 24Sa renommée se répandit dans toute la Syrie, et on lui amenait tous ceux qui étaient pris de maladies et de douleurs diverses, des démoniaques, des lunatiques, des paralytiques; et il les guérissait.

25 Une grande foule l’accompagna, de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée, et d’au-delà du Jourdain. 5:1Voyant la foule, Jésus monta sur la montagne; et, après qu’il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. 2Puis, ayant ouvert la bouche, il les enseigna, et dit : 3Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !

Amen.