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Pourquoi est-ce que Christ est venu changer Paul
et pas d’autres méchants ?

(Actes 26:1-19)

(écouter la prédication, culte entier, imprimer la feuille)

18 avril 2021
À Genève - Champel
prédication du pasteur Marc Pernot

Une personne m’a envoyé une question après avoir lu l’Évangile de Pâques et ses apparitions du Christ ressuscité à ses disciples qui en reviennent enthousiasmés de vie nouvelle. Pourquoi est-ce que le Christ n’est pas apparu pour convaincre les pharisiens, les grands prêtres, les docteurs de la Loi, et aussi Caïphe, Pilate et Hérode ? Pourquoi est-ce que parmi les opposants, le Christ ressuscité a choisi d’apparaitre seulement à Paul, ce Pharisien qui persécutait ses disciples, et pas à d’autres ?

C’est une bonne question, je pense.

Quand on lit ce récit de conversion de Paul, il est légitime de se demander si Dieu peut ainsi retourner une personne comme une crêpe : il prend un grand méchant persécuteur, survient une voix puissante et une lumière lumineuse, surprise du sujet, éblouissement passager et le voilà devenu un héros de la foi juste et fidèle. Dieu peut-il faire cela ? Et s’il le pouvait, le ferait-il ? Et que n’a-t-il retourné ainsi les autorités religieuses et civiles du vivant de Jésus, ou au moins après sa mort ? Le monde en aurait été transformé.

Alors, Dieu « choisit-il » de retourner ainsi le méchant Saul de Tarse, afin de le transformer en apôtre Paul ? Pourquoi lui et pas d’autres grands méchants de l’histoire ou tyrans domestiques ? Serait-ce l’arbitraire de Dieu de choisir de donner la foi à telle personne, et pas à d’autres ?

Manifestement, quand on est attentif à l’attitude de Jésus envers des personnes très diverses, la volonté de Dieu est que toute personne soit sauvée et rayonnante du meilleur. Toute personne est donc l’élue de Dieu.

Ensuite, peut-on, même quand on est Dieu, forcer une personne à aimer ? Ou à être libre ? Ou à être heureuse ? Non, bien sûr. Et pourtant oui : il est possible d’avoir une influence dans ces domaines. La personne humaine est un être de relations, l’entourage d’une personne joue énormément. Peut-on forcer une personne à être heureuse ou à aimer ? Non. Peut-on abimer et même détruire dans la personne la capacité à être heureuse ou à aimer ? Oui, hélas, partiellement ou totalement. Entre les deux, mil façons existent, mil nuances, mil degrés d’influence d’une personne sur une autre.

Dieu est comme cela avec toute personne, avec Pierre, Paul, Caïphe ou César, Dieu espère lui donner à la personne le sentiment qu’elle a le droit de connaître du bonheur et de la paix, qu’elle peut essayer de servir et d’aider les autres et le monde autour d’elle. Dieu cherche à aider la personne en l’aimant, en montrant des signes de prévenance, en restant fidèle encore et encore, malgré tout, en lui faisant du bien.

Il n’est donc pas question de forcer quelqu’un à aimer puisque c’est impossible, seulement personne non plus ne peut forcer Dieu à ne plus l’aimer, Dieu restera à agir positivement, inlassablement. C’est en ce sens que l’on peut être d’accord avec les théologiens qui ont nié la liberté de la personne dans son salut, comme Martin Luther qui polémique sur ce point avec Erasme. C’est vrai que Dieu nous aime de gré ou de force. Comme d’ailleurs bien des nourrissons sont aimés par leurs parents sans que Bébé ne fasse rien pour cela. Bien sûr. Pour le reste, Luther soutient également que la personne a la liberté de ses actes. La personne a une certaine liberté dans son évolution, entre ce qu’elle a reçu, ce qu’elle reçoit, ce qu’elle est et ce qu’elle cherche, ses choix. Aimera-elle un peu Dieu ? Et la vie, ceux qui l’entourent ? Ou non ? C’est pourquoi il existe des bifurcations inattendues. Notre itinéraire est grande partie ouvert et inconnaissable. Même pour Dieu.

Il en était ainsi pour Paul. Dieu intervient sans cesse, plein d’espoir pour chaque personne. Ce que Dieu fait pour Saul de Tarse est donc normal. Avec Dieu, l’extraordinaire, taillé sur mesure, est la normalité. Pourquoi est-ce que Dieu n’aurait pas fait quelque chose de cet ordre pour retourner Caïphe, Pilate et Hérode, et César Auguste Tibère, au passage ? Je suis persuadé que Dieu l’a fait, qu’il a mis tout ce qui était en son pouvoir pour les toucher. Avec un résultat variable : excellent avec Paul, encourageant avec le centurion romain qui crucifie Jésus puisqu’il se serait écrié au pied de la croix «Certainement, cet homme était Fils de Dieu. » (Matthieu 27:54), mais sans que cette conviction ne produise de fruits dont nous ayons connaissance. Pilate et sa femme ont été touchés par la personne de Jésus et le reconnaissent officiellement comme juste et comme Christ à travers le « titulus » cloué au dessus de sa tête sur la croix, mais là encore, ce frémissement de reconnaissance ne débouche pas sur des fruits de vie. On pense aussi à des chefs Pharisiens comme Simon ou Nicodème qui manifestent un intérêt réel, et Zachée, collaborateur corrompu des occupants romains qui vivra comme Paul une belle évolution de vie.

Nous voyons l’ampleur de l’action de Dieu, c’est du cousu main. Nous voyons aussi la faiblesse de Dieu dans son entreprise et qu’il doit se contenter de continuer à essayer.

Qu’est-ce que Saul de Tarse avait de spécial pour que l’action de Dieu puisse porter ses fruits, là où d’autres opposants y sont restés imperméables ? Nous pouvons le lire dans le récit que Paul donne lui-même de son itinéraire.

En chemin

Le texte se donne la peine de dire que Paul « était en chemin » (Actes 26:13) avant même d’être touché par Dieu. Cette particularité importante est passée à la postérité puisque l’on dit en français courant qu’une personne a « fait son chemin de Damas » quand elle trouve enfin sa voie.

Paul était donc déjà en chemin. Même si c’était mal orienté, il y avait au moins une recherche et il y mettait du cœur à l’ouvrage. C’est une ouverture à la vie et donc potentiellement à sa source : Dieu. Même quand on est en panne sur le bord du chemin comme les mendiants que rencontre Jésus, c’est déjà une ouverture au cheminement. C’est bien plus difficile quand une personne est sans chemin, sans aucune recherche que ce soit. J’en connais deux sortes. Il y a des personnes dogmatiques, certaines de détenir déjà la vérité, barricadées dans leur point de vue religieux ou idéologique comme dans une forteresse. Leur foi n’est pas en Dieu, leur foi est dans un système, dans un « ...isme ». Il y a par ailleurs des personnes en panne de chemin parce qu’elles vivent sans se poser l’ombre d’un début de question, un peu comme un bégonia dans une plate-bande, sans vouloir être injurieux (pour les bégonias). Dieu ne perd pas espoir, bien entendu, il cherche à toucher chaque personne. Parfois c’est les circonstances qui donnent un coup de pouce à Dieu : un accident de la vie (jamais voulu par Dieu) ouvrira la personne à une recherche. Parfois c’est de rencontrer l’amour, ou la beauté. La vie est pleine de bonnes surprises.

Le récit nous présente donc le premier Saul de Tarse comme terriblement nocif (malheureusement), et aussi comme sincèrement « en chemin » (heureusement), ardemment en chemin.

Une recherche spirituelle

Le dialogue de Paul avec ce qu’il appelle « la vision céleste » nous en apprend plus sur son cheminement. Ce n’est pas celui d’une feuille morte emportée par les tourbillons du vent. Paul avait une recherche spirituelle.

Voilà le dialogue avec la « vision céleste » qui conduit Paul à changer d’orientation :

Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?
Il est dur pour toi de lutter contre l'aiguillon !

— Qui es-tu, Seigneur ?

— Je suis Jésus que tu persécutes.
Lève-toi (ressuscite).

Paul conclut son rapport en disant « je n'ai pas été rebelle à la vision céleste. » (v. 19), et il dit qu’avant il était dur pour lui de lutter contre « l’aiguillon », ce quelque chose qui déjà le titillait comme la baguette du laboureur sur le dos du bœuf pour le guider. Cela montre comment Dieu cherche à nous aider quand notre chemin est dangereux : c’est par un léger titillement, celui de l’Esprit éveillant notre conscience, notre désir profond d’être bénédiction et non malédiction. Cela dit aussi notre liberté. Paul a pris conscience que trop longtemps il a été rebelle à cette voix en lui. Qu’il ne veut plus faire semblant ne pas l’entendre (tout vivant porte en lui cet appel à vivre en source de vie), et que cette vision était en réalité ce qu’il cherchait désespérément depuis toujours.

Paul rapporte ce dialogue au roi Agrippa, en lui parlant en grec, qui était la ligua franca de l’époque. Cependant Paul signale à Agrippa que ce dialogue est à traduire en hébreu pour être compris, Paul sait qu’Agrippa est un fin connaisseur des débats talmudiques. Qu’est-ce que l’hébreu change par rapport au grec ? C’est que bien des mots hébreux ont un double sens. Prenons donc, selon l’indication de Paul, la phrase décisive de son dialogue avec la vision céleste « Je suis Jésus que tu persécutes » :

- « Je suis » : en hébreu, fait immanquablement penser à Moïse au buisson ardent où Dieu se présente comme s’appelant « Je suis », traduit souvent par « l’Éternel », la source de l’être.

- « Je suis Jésus » : nous savons que le nom de Jésus, יְהוֹשׁוּעַ Yeho-Shoua en hébreu, signifie « Yeho » : l’Éternel, « Shoua » sauve. Jésus se traduit en hébreu par « le salut de l’Éternel ».

- enfin, « persécuter » veut dire en hébreu aussi bien persécuter, que « rechercher, poursuivre.

Donc « dans la langue hébraïque », cette phrase décisive que saisit enfin Paul signifie à la fois deux choses : 1) « Je suis Jésus que tu persécutes », et cela signifie également 2) « Moi, l'Éternel, je suis le salut que tu recherches ». Les deux affirmations sont toutes les deux vraies et se correspondent terme à terme. Paul persécute Jésus, et en faisant cela c'est l'Éternel lui-même qu'il persécute. Paul recherche le salut, or c'est précisément en Jésus que l'Éternel lui offre le salut, le fait d’être rendu vivant et d’être source de vie.

Paul saisit à ce moment que Jésus est le Christ. Il comprend que c'est l'Éternel lui-même, le créateur de l'univers qui se rend présent pour lui offrir ainsi la vie.

Paul cherchait le salut. Il le cherchait tête baissée mais il cherchait la vie. Sur son chemin de Damas, il saisit progressivement quelle en est la source. Et Paul nous donne les étapes de ce cheminement dans son dialogue :

Une interrogation « pourquoi ? »

C’est d’abord, comme souvent dans les Évangiles, un questionnement : « Saul Saul, pourquoi me persécutes-tu ? », pourquoi agis-tu comme tu agis ? Qu’est-ce que tu cherches, en réalité ? Si c’est le bonheur et la vie, pourquoi semer mort et malheur ? Pourquoi être sourd à la source de la vie ? Ce n’est pas une question de philosophie générale, c’est une question le concernant lui, Saul. Et « en langue hébraïque », c’est à dire en culture biblique, le redoublement du nom « Saul, Saul » fait entendre une vocation adressée par Dieu qui, déjà, le voit en responsabilité dans son équipe.

S’interroger est déjà une mise en lumière de notre être et des ficelles qui font parfois de nous une marionnette alors-même que nous pensions être libre en faisant n’importe quoi. Cette recherche nous conduit à rechercher au fond de nous-même ce qui compte plus que tout pour nous, et quelle est la hiérarchie effective de nos priorités. La lire dans les faits concrets de notre chemin de vie, dans notre agenda, dans la motivation de nos actes.

La première étape est cette mise en lumière par Dieu, avec Dieu, grâce à ce « pourquoi ? ».

Une recherche « Qui es-tu, Seigneur ? »

C’est ensuite une autre interrogation « Qui es-tu Seigneur ? », question qui semble un peu inutile dans ce contexte. Paul n’est pas un débutant, une lumière surnaturelle qui parle du haut des cieux : ces détails imagés nous disent que c’est Dieu qui est derrière cela. La question n’est donc pas là, mais Paul se demande et demande à Dieu « Mon Dieu, qui es-tu vraiment ? », c’est une recherche théologique et spirituelle, intellectuelle et priante qui permet de chercher ce qui est en réalité source de vie, source d’être et de paix.

C’est le lien entre ces deux questions, le pourquoi et le qui-es-tu, qui ouvre Paul à ce cheminement extraordinaire. Il est à la portée de chacun, cela fait partie du talent de l’humain.

Paul a simplement choisi de vivre. Ensuite, son style, sa personnalité est de vivre « à fond », tellement généreusement. Ce sera pour notre plus grand bénéfice.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

Textes Bibliques :

1 Corinthiens 15:1-10

1 Je vous fais connaître, mes frères (et sœurs), la bonne nouvelle que je vous ai annoncée, celle que vous avez reçue, dans laquelle vous vous tenez debout 2et par laquelle aussi vous recevez le salut, selon la parole que je vous ai annoncée, si vous la retenez à moins que ce soit en vain que vous avez eu la foi.

3 Je vous ai transmis, avant tout, ce que j'avais moi-même reçu : le Christ est mort à cause de nos péchés, selon les Écritures. 4Il a été enseveli, il a été éveillé le troisième jour, selon les Écritures. 5Il est apparu à Céphas, puis aux Douze. 6Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères (et sœurs) à la fois : la plupart d'entre eux demeurent actuellement, quelques-uns se sont endormis.7Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. 8Après eux tous, il m'est apparu, à moi aussi, comme à un enfant mort-né. 9Moi, en effet, je suis le moindre des apôtres ; je ne suis pas digne d’être appelé apôtre puisque j'ai persécuté l'Église de Dieu. 10Mais par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce en moi n'a pas été vaine ; au contraire, j'ai travaillé plus qu'eux tous ; non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu avec moi.

Actes 26:1-19

1 Agrippa dit à Paul : Il t'est permis de plaider ta cause. Alors Paul étendit la main et présenta ainsi sa défense : 2Je m'estime heureux, roi Agrippa, de présenter aujourd'hui ma défense devant toi au sujet de toutes les accusations que les Judéens portent contre moi, 3car tu connais bien toutes les coutumes des Juifs et leurs débats. Je te prie donc de m'écouter patiemment.

4 Ce qu'a été ma vie depuis le plus jeune âge, dès le commencement dans ma nation et dans Jérusalem, tous les Judéens le savent. 5Ils me connaissent depuis longtemps et ils peuvent témoigner, s'ils le veulent, que j'ai vécu selon le parti le plus strict de notre religion, en pharisien. 6Et maintenant je suis mis en jugement parce que je mets mon espérance en la promesse que Dieu a faite à nos pères, 7promesse dont nos douze tribus, qui célèbrent le culte avec ferveur, nuit et jour, espèrent atteindre l'accomplissement. C'est au sujet de cette espérance, ô roi, que je suis accusé par des Judéens ! 8Pourquoi juge-t-on incroyable parmi nous que Dieu éveille les morts ?

9 Il m’a donc semblé, en ce qui me concerne, qu’il fallait mener une forte opposition contre le nom de Jésus le Nazoréen. 10Ce que j'ai fait à Jérusalem : j'ai mis en prison beaucoup de saints, selon l'autorité dont j'avais été investi par les grands prêtres ; et quand on décidait de les supprimer, j'apportais mon suffrage. 11Dans toutes les synagogues, j'usais de maints sévices pour les forcer à blasphémer. Dans l'excès de ma fureur contre eux, je les persécutais jusque dans les villes étrangères.

12 C'est pour cela que j’allais vers Damas, avec l'autorité et le mandat dont j'avais été investi par les grands prêtres. 13Au milieu du jour, en chemin, ô roi, une lumière venant du ciel, plus lumineuse que le soleil nous entourant, moi et ceux qui m’accompagnaient. 14Nous sommes tous tombés à terre, et j'ai entendu une voix qui me disait en langue hébraïque : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il est dur pour toi de lutter contre l'aiguillon ! » 15J'ai répondu : « Qui es-tu, Seigneur ? » Le Seigneur a dit : « Je suis Jésus que tu persécutes. » 16 « Mais lève-toi (ressuscite), tiens-toi sur tes pieds. Voici en effet pourquoi je te suis apparu : t’établir serviteur et témoin de ce que tu as vu et de ce que tu verras quand je t'apparaîtrai encore. 17Je te tirerai de ce peuple et des païens, vers qui, moi, je t'envoie, 18pour ouvrir leur yeux, afin qu'ils se tournent des ténèbres vers la lumière et de la puissance de Satan vers Dieu, afin qu'ils reçoivent le pardon des péchés et une part d'héritage parmi ceux qui ont été sanctifiés par la foi en moi. »

19 En conséquence, roi Agrippa, je n'ai pas été rebelle à la vision céleste.

(Cf. traduction NBS)