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Mais pourquoi confesser sa foi ?

(Deutéronome 6:4-5 ; Jean 20:30-31 ; 1 Jean 4:14-21)

(écouter l'enregistrement - voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 1er mai 2016
prédication du pasteur Marc Pernot

Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)

Dans un long travail se développant sur deux années, notre Église travaille à se donner une « confession de foi ».

À quoi cela sert-il ?

Quand une personne désire entrer officiellement dans la foi chrétienne, il lui est demandé de dire une confession de foi. Peut-être avez-vous fait ce geste et êtes venu ici, au milieu de l’assemblée des fidèles ? Peut-être que vous vous y préparez vous-même ? Est-ce que c’est si important que ça ? À quoi cela sert-il ?

Et est-ce que c’est biblique, cet appel à faire une déclaration de foi ?

Il y a en tout cas des exemples.

Je crois en Dieu ?

À commencer par la Torah, dans ce commandement essentiel que Jésus cite et enrichit encore, le Shema Israël. Moïse invite le croyant à dire ce texte en se levant et en se couchant, à le dire en partant en voyage et à en faire la base de l’enseignement des enfants : « Écoute, Israël ! l’Éternel, notre Dieu, l’Éternel est un. Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Deutéronome 6:4-5).

Nous avons là une confession de foi en un seul article « l’Éternel, notre Dieu, l’Éternel est un » qui est enchâssée dans un appel à être en relation à Dieu, à l’écouter et à l’aimer.

D’un point de vue théologique, cette déclaration de foi « יְהוָ֥ה אֱלֹהֵ֖ינוּ יְהוָ֥ה אֶחָֽד » (Yahou éloheinou, Yahou érad) est extrêmement profonde et intelligente. Elle propose deux conceptions de Dieu différentes et au lieu de les opposer, elle nous invite à les réunir. Cette confession de foi nous empêche d’enfermer notre conception de Dieu dans une théologie étroite, elle nous invite aussi à nous réconcilier entre nous dans nos théologies différentes et aller même au delà de ces théologies dans l’écoute et dans l’engagement de notre cœur, de notre vie. Finalement ce qui pouvait sembler n’être qu’un cadre autour de la déclaration théologique, cette invitation à écouter Dieu personnellement, ce « écoute » et ce « aime » qui sont dits par le croyant au pied de son lit disent plus sur Dieu que tout le reste. Dieu est quelque chose ou quelqu’un qui s’adresse à moi directement. Ensuite, je pourrai découvrir qu’il est un être complexe à la fois Yahou (source de l’être, de vie, de tendresse, toujours en devenir, et si proche de nous), et Élohim (une réalité tellement plus grande que nous connaissons que rien ne peut lui être comparé).

Jésus reprend cette confession de foi fondamentale et il y ajoute une invitation à la réflexion personnelle (et pas seulement à l’écoute servile : « tu l’aimeras avec toute ton intelligence ») et Jésus y ajoute un appel à la créativité dans le service des autres et dans le développement de soi.

Donc, oui, Jésus nous appelle à confesser notre foi en Dieu, et à le faire de façon intime, intelligente et engagée. L’appel à notre intelligence nous autorise, nous invite à faire de la théologie, à ce que la mystérieuse tension entre « Yayou » et « Élohim », entre ces deux faces de Dieu, ne soit pas une façon de disqualifier la théologie mais au contraire l’appel du Christ nous invite à oser penser cette tension par nous-même.

Le « Notre Père », cette prière que Jésus nous donne, reprend cette même dynamique que son Shema revisité. Jésus invite le croyant à s’isoler puis à confesser Dieu comme « notre Père », notre père à tous et non mon petit Dieu à moi, même si c’est aussi mon petit Dieu à moi, et c’est là l’incroyable nouvelle, que le grand Dieu du ciel, le Dieu infiniment autre, transcendant, incompréhensible par définition même, que ce Dieu soit aussi proche de moi que peut l’être un père ou une mère aimant, une personne à qui je peux m’adresser et qui a quelque chose à me dire.

Fondamentalement, la confession de foi d’Israël et celle de Jésus aussi, bien évidemment, est de ce type : Elle comprend une étincelle de déclaration théologique, la plus ramassée possible tout en évitant de mettre la main sur Dieu. Et elle confesse un Dieu que l’on prie. C’est une confession de foi intime, quotidienne, faite dans son lit ou au pied du lit. Même quand on ne sent pas Dieu, quand on ne le sent plus ou qu’on ne l’a jamais senti, même quand on ne croit plus en rien, surtout quand on ne croit plus en rien il est possible de dire ces confessions de foi intimes. Une déclaration de foi qui commence par « Écoute » est faite quand on a besoin de Dieu, quand on l’espère. C’est une déclaration de foi en tant que recherche de Dieu. Le « Notre Père » aussi.

Il y a une déclaration de foi d’un autre type, dans la Bible hébraïque, et cette fois elle ne tient pas en quatre mots mais seulement en un seul « הִנֵּֽנִי » (hinnéni) « me voici » C’est une déclaration de foi en tant que réponse à Dieu qui s’est approché et qui nous a interpellé de Dieu. Cette réponse est souvent intime, dans la prière, dans le face à face avec Dieu, dans le oui à une vocation que l’on ressent. Cette confession de foi en tant que réponse est parfois collective comme dans ce fameux « Moi et ma maison, nous servirons l'Éternel » (Josué 24:15), ou le limpide « Amen ! Amen ! » du peuple après la lecture publique de la Torah par Esdras. Cet Amen est un adverbe formé sur la racine du mot du mot « foi » (èmounah), on pourrait donc le traduire « en faisant confiance », « en m’attachant fermement », un adverbe qui teinte notre façon d’être, de vivre, de penser et d’espérer.

Nous avons reconnu dans les textes bibliques trois types de confessions de foi :

Vue ainsi, la confession de foi n’est pas quelque chose de figé, elle est alors comme un véritable moteur. Elle peut-même être un véritable bolide nous amenant très loin, très haut et très profond. Elle peut changer notre vie, la rendre plus vivante et active.

Ayant reçu des autres une certaine idée de Dieu, infiniment autre et pourtant si proche qu’il nous est dans une certaine mesure intérieur. Nous pouvons alors personnellement et collectivement le chercher, l’attendre, ouvrir un espace pour lui dans notre agenda et donc dans notre façon d’évoluer et de penser. Cette attente est alors à large spectre, puisque tout ce que nous a dit la déclaration de croyance c’est que Dieu est surprenant et qu’il aura quelque chose à nous apporter de personnel et de jamais entendu auparavant. Nous avons alors toutes les chances d’évoluer, que la rencontre mystérieuse se produise de façon spectaculaire ou diffuse, discernée après coup seulement. La troisième confession de foi, celle qui est un « me voici » et un « amen », ouvre sur l’action mais aussi sur un retour à la première déclaration de foi, enrichie de nouvelles connaissances sur Dieu, une connaissance plus personnelle, plus expérimentale, et donc subjective mais dans le bon sens du terme, et d’autant plus humble que l’on connaît mieux Dieu en vérité.

Je cois en Jésus, le Christ, le fils du Dieu vivant ?

Le Christ n’exige jamais de confession de foi pour accueillir quelqu’un dans son groupe de disciple. Ce n’est pas le genre de la maison, évidemment, et il va dans la maison d’une personne et mange avec lui sans condition de baptême, de façon de vivre ou de confession de foi.

Mais quand Jésus demande à ses disciples « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Mt 16:15) c’est une question ouverte. Simon Pierre répond : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », c’est la confession de foi centrale de la première génération de chrétiens.

Cette confession de foi « Jésus est le Christ, le fils de Dieu » se retrouve souvent dans les évangiles, c’est la confession de foi de l’apôtre Pierre, donc, c’est aussi celle de Nathanaël avant lui (Jean 1:49), celle de Marthe (Jean 11:27), celle de L’Éthiopien baptisé par Philippe (Actes 8:37), c’est la première prédication de l’apôtre Paul (Actes 9:20)...

Le cœur de la confession de foi chrétienne n’est alors plus une doctrine de Dieu, fusse-t-elle riche et ouverte. Le cœur de la foi chrétienne est une personne, Jésus, qui incarne le projet divin d’être humain. Jésus ne remplace pas les confessions de foi précédente, au contraire, il les accomplit, il incarne ce moteur constitué par cette triple confession de foi formée par une théologie géniale, une attitude d’écoute amoureuse et une disponibilité confiante.

Transformer cette confession de foi en doctrine serait comme empailler Jésus, le tuer, le vider de sa substance, de sa personnalité, de sa foi. C’est autrement que cette confession de foi « Jésus est le Christ, le fils de Dieu » est vitale, selon Jean. Il en fait l’intention de tout son évangile, de chaque passage, de chaque récit, de chaque parole de Jésus. Parce qu’en « ayant cette foi, nous dit Jean , nous avons la vie en son nom » ! En ayant cette foi de Jésus, cette foi qui est comme un moteur qui nous fait cheminer toujours plus avant, plus haut et plus profond dans la vie elle-même, dans la vie de Dieu. C’est ce que Jean développe aussi dans sa première lettre. Et il nous invite à confesser publiquement cette confession de foi.

Pourquoi, publiquement ? Jean ne se serait pas gêné de dire que c’est afin d’avoir un minimum de solidarité avec les frères et sœurs en humanité qui n’auraient pas la chance de connaître le Christ. Ce n’est pas non plus une question de chantage, comme si Dieu récompensait les bons petits soldats de l’église puisque Jean insiste pour dire que Dieu est amour et qu’il nous a aimé le premier. Mais c’est pour une autre raison, c’est que cela nous fait participer à la vie même de Dieu :

Celui qui déclare publiquement
que Jésus est le Fils de Dieu,
Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. (1 Jean 4:15)

Quel rapport entre confesser publiquement Jésus et vivre de cette vie divine ? C’est à tous les niveaux de ce moteur à trois temps de la confession de foi.

Pour découvrir comment Dieu n’est pas seulement « mon Dieu » mais « notre Dieu » et « notre Père », il est indispensable de ne pas en rester à une foi seulement intérieure, intime, au pied de son lit. Cette dimension intime est le cœur du moteur, mais elle doit s’enrichir de celle des autres. Le verbe traduit par « déclarer publiquement » est « ὁμολογέω », qui signifierait plutôt littéralement confesser avec les autres, comme un bouquet de réflexion sur la théologie biblique, mais aussi parce que fondamentalement, ce que Jean a contemplé dans le Christ, c’est l’amour de Dieu, et donc pour saisir un tant soit peu la base de la théologie chrétienne, il faut au moins vaguement maîtriser le concept de ce que cela pourrait être d’aimer, et cela n’est possible que dans une relation un peu aimante et fidèle avec les autres.

Ensuite pour ce qui est d’écouter Dieu et de l’aimer, là aussi, le cœur de cette écoute et de cette relation est profondément intime, un cœur à cœur, un silence devant Dieu, régulier, inlassable. Mais il passe tant de chose au plus profond de nous-mêmes qu’en discuter avec un tiers peut nous éviter de nous construire une chimère à la place du Dieu dont vit Jésus-Christ, c’est aussi cela, aimer et écouter Dieu « avec toute son intelligence ».

Enfin pour ce qui est de l’expression de notre foi, l’expression de ce que Dieu a accompli en nous, là encore, c’est fondamentalement personnel, chacun selon sa propre et singulière expérience de Dieu, mais c’est ensemble que nous formons un corps, le corps du Christ. Et donc là aussi nous avons besoin de confesser notre foi publiquement, avec les autres et non en parallèle et encore moins contre les autres, de confesser notre foi en paroles et en actes.

Il y a donc intrinsèquement une dimension collective de notre foi chrétienne, même si l’essentiel demeure le mouvement intime et personnel qui fait de nous, comme le Christ l’incarne, un fils ou une fille du Dieu Vivant.

Mais qu’en est-il de l’acte liturgique de confesser sa foi au milieu de l’assemblée ? Ce n’est bien entendu pas indispensable, ce n’est pas magique, et Dieu ne tient certainement pas à jour un registre administratif où il relève qui est baptisé ou non, qui a fait ou non une profession de foi dans telle ou telle église. Mais Dieu se réjouit de voir notre foi en forme, le moteur de notre vitalité gonflé à bloc, déjà rugissant. Cela se travaille et nous ne sommes pas de purs esprits, ni de purs intellects. En posant des gestes forts, des gestes impressionnants dans notre cheminement de vie, quelque chose s’imprime plus profondément en nous et dans les autres autour de nous, et c’est d’autant plus précieux que la vérité désignée par ces gestes est complexe et non matérielle. En demandant à être baptisé, en demandant le baptême de son enfant, en confessant sa foi publiquement, en se mariant devant Dieu... on implique son être dans de multiples dimensions qui s’en souviennent, on apprend aussi que nous sommes légitimes, personnellement, que notre point de vue est attendu, nécessaire, dans de vraies confessions de foi publiques en paroles et en actes, comme le Christ nous y invite par son exemple.

Que deviennent nos confessions de foi ?

Il y en a de fort belles. Exprimant la foi d’une personne, celle d’une paroisse, d’un couple. Elles sont souvent aussi touchantes qu’une lettre d’amour à Dieu et à la vie, aussi passionnantes qu’un essai philosophique. Belles, vivantes, tissant un lien fort entre Dieu et celui qui les exprime, et osant s’exprimer elles tissent un lien entre nous.

D’autres confessions de foi ont été dressées comme des remparts, traçant une frontière pour désigner celui que l’on traite alors d’hérétique. Cet usage de la confession de foi ne dit rien de Dieu, rien du Christ, rien d’autre que le mal être de ceux qui vivent ainsi.

Au contraire, la simple confession de foi en Christ n’exclut personne, elle propose de vivre par la foi et pour la foi, une foi vivante et personnelle, à l’image du Christ qui a révélé tout l’amour que Dieu a pour chacun, de toute façon.

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Lecture de la Bible

Deutéronome 6:4-5

Écoute, Israël ! L'Éternel, notre Dieu, l'Éternel est un. 5 Tu aimeras l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.

Jean 20:30-31

Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre. 31 Mais ceci est écrit afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom.

1 Jean 4:14-21

Et nous, nous avons vu et nous témoignons que le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde. 15 Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. 16 Et nous, nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour ; celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

17 Voici comment l'amour est parfait en nous, afin que nous ayons de l'assurance au jour du jugement : tel il est lui, tels nous sommes aussi dans ce monde. 18 Il n'y a pas de crainte dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n'est point parfait dans l'amour. 19 Pour nous, nous aimons, parce que lui nous a aimés le premier.

20 Si quelqu'un dit : J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur, car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne peut aimer Dieu qu'il ne voit pas. 21 Et nous avons de lui ce commandement : Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.

(Cf. Colombe)

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 08:28)

(début de la prédication à 08:28)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot