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Culte au temple de Cologny,
le dimanche 27 avril 2025,
prédication du pasteur Marc Pernot
La vie est une naissance et tout un apprentissage. Nous sommes une personne riche de bien des dimensions : comment les harmoniser ? Je vous propose de réfléchir sur ce point en suivant les récits du 1 er livre de Samuel qui nous dit comment Dieu choisit qui pourrait avantageusement régner sur son peuple. Manifestement, ce n’est pas une question facile, même Dieu tâtonne pour bien y parvenir.
Dans ce récit, l’Éternel passe par le prophète Samuel comme interface entre lui et le peuple. Samuel incarne notre capacité à être en relation à Dieu. En effet, le nom de Samuel exprime le fait que Dieu entend et répond, Samuel est composé de שָׁמַע (shama, entendre) et אֵל (El, Dieu). L’Éternel a entendu le chaos dans lequel se trouve le peuple (1 Sam. 15:16) . Dieu cherche alors une personne qui puisse coordonner le peuple et le rendre plus fort contre ce qui le fait souffrir et le menace.
Nous pourrions faire une lecture politique de ce texte, je vous propose de nous l’approprier plus intimement avec Dieu qui nous aide pour que nous soyons en forme. En effet, à la suite de Jésus, l’ennemi n'est pas tant extérieur qu’intérieur, il est tout ce qui est souffrant en nous : facteur de division, menaçant notre âme, notre élan vital.
Samuel représente ainsi notre talent spirituel, nous en avons bien plus que nous ne le pensons. Notre Samuel est ce qui, en nous, appelle au secours et reçoit la réponse de Dieu. Il est appelé ici « le voyant », il est les yeux de notre foi, les oreilles de notre intelligence éclairée par Dieu. Il est notre vigilance éveillée par notre sensibilité.
Notre Samuel doit apprendre à découvrir les différentes personnes du peuple afin de discerner qui serait le mieux pour gouverner l’ensemble de notre être. Notre Samuel c’est notre foi active, nos temps de réflexion, d’appel à Dieu et d’espérance que Dieu nous donne d’y voir plus clairement en nous-mêmes.
Dieu aide d’abord Samuel à reconnaître Saül comme pouvant être roi. Pour cela, Dieu l’envoie lui donner l’onction : cela évoque à la fois la responsabilité qui lui est donnée et la capacité de l’accomplir.
Le nom de « Saül » signifie en hébreu « ce que l’on désire », « ce que l’on demande ». C’est en lien avec cette histoire car c’est pour répondre au désir des Hébreux d’avoir un roi que Dieu leur en donne un. Dieu leur conseillait plutôt un simple gouverneur, tant le pouvoir risque de pervertir la personne. Les Hébreux insistent, Dieu répond à leur désir en choisissant au mieux avec Saül. C’est une théologie tout à fait révolutionnaire : on s’imagine Dieu comme le roi des rois, et voilà que Dieu se fait serviteur de l’humain afin de l’accompagner dans son désir. C’est vraiment ce que manifestera Jésus tout au long de sa vie. Il explique : « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. » (Matthieu 23:11). Comme toujours, Dieu est le premier à faire ce qu’il nous appelle à faire. Dieu, le plus grand, est notre serviteur, nous dit cette histoire. Samuel donne donc l’onction à Saül pour qu’il accompagne, serve, aide l’ensemble du peuple.
L’histoire commence bien avec Saül. Mais voilà que Saül prend la grosse tête. Et de « désiré » par Dieu et les hommes, il va prendre son propre désir à la place de Dieu, faisant n’importe quoi et souffrant.
C’est spirituellement et psychologiquement très fin. Dieu fait tout pour nous rendre service, nous accompagner là où nous avons choisi d’aller. Cette aide de Dieu est effectivement géniale à vivre, très concrètement. Seulement, ce texte nous met en garde de ne pas prendre pour autant Dieu comme notre majordome, en lui donnant des ordres, le priant de faire ceci ou de faire cela. Notre désir est bon, il est entendu par Dieu, béni par Dieu, mais notre désir ne doit surtout pas régner sur nous.
Le récit nous dit alors que Dieu se repent d’avoir choisi Saül ! Là encore c’est une théologie révolutionnaire : un Dieu capable de reconnaître que les choses ne tournent pas comme il avait pensé. Seulement, cela ne l’arrête pas, mille fois il serait prêt à espérer encore, à essayer encore et encore de nous donner la vie. Samuel reprend la route. L’histoire s’allonge. Une théologie simpliste raconterait un Dieu qui enverrait son prophète droit au but, renversant les obstacles avec toute puissance. On voit au contraire Dieu le guider pas à pas, devant ruser pour déjouer les faiblesses humaines, affinant son choix du bon candidat avant de trouver enfin ce qui serait le mieux pour gouverner l’ensemble. C’est à l’image de ce que nous vivons nous-mêmes dans notre foi, ne progressant que pas à pas, devant ruser avec notre fatigue, nos déceptions, nos faiblesses, nos forces, nos illusions et nos certitudes trop étroites.
Samuel est envoyé par l’Esprit vers Isaïe et ses fils, il sanctifie chacun, puis il les passe en revue. Sept fils passent d’abord devant Samuel. Sept évoque la réalité de ce monde (6) bénie par Dieu (+1). Cette fratrie est à l’image de nous-même, de notre bonne nature, riche de multiples dimensions reconnues et bénies par Dieu. Trois de ces dimensions sont explicitement nommées comme remarquables et donnant envie de les faire régner sur l’ensemble de notre être et de notre vie :
Le nom du premier fils est Éliab, ce qui veut dire en hébreu « mon Dieu est un père ». Voilà une excellente confession de foi, tout proche de l'Évangile de Jésus-Christ et nous encourageant à nous laisser engendrer par Dieu, à son image. Comme Samuel, nous dirions que c'est cette foi-là qui doit régner dans notre existence et sur l'humanité de demain. Mais non. Ce n'est pas la théologie, même la plus élevée, qui doit gouverner notre vie et encore moins le monde.
Le nom du deuxième fils est Abinadab, ce qui veut dire en hébreu : « mon père est généreux ». Après la saine théologie évoquée par le 1ᵉʳ fils, le 2ᵉ fils incarne la générosité comme étant source de vie. C'est un excellent résumé de l'éthique chrétienne, bien digne de régner sur notre vie et sur le monde. Mais non. La théologie et l’éthique sont d’excellentes dimensions à travailler, mais font de mauvais maîtres sur nos vies et nos cités, tournant au dogmatisme et au moralisme crucifiant les âmes.
Le troisième fils est Schamma, ce qui veut dire en hébreu : « le vide », comme un appel à se vider de toute prétention à exister en tant qu’individu, de toute prétention et de tout désir. Certes, cela nous apprend à ne pas nous prendre pour Dieu, cela nous invite à de féconds temps de retrait, seul, des temps de prière ou d’ascèse, temps de shabbat : ce sont d’utiles exercices mais ce n'est certainement pas cela qui devrait régner sur notre existence.
Les quatre autres fils sont laissés à notre imagination pour nous inviter à visiter les dimensions essentielles de notre être afin de les reconnaître, de les nommer, de les bénir sans pour autant les laisser régner sur l’ensemble de notre être.
C’est alors que l’on découvre un 8ᵉ fils qui est désigné par Dieu. Le 8 évoque la transcendance de Dieu, évoquant l’éternité. Ce fils est mal reconnu par la famille qui l’appelle « le petit », et qui lui prête peu d’attention car il est le serviteur des brebis. Cela déjà évoque cette qualité qu’est le soin de l’autre, qualité de Dieu lui-même, notre berger.
Qu’est-ce qui doit donc régner sur notre être, sur l’ensemble de nos dimensions et sur notre devenir ? Ce « petit » dernier s'appelle David , ce qui signifie en hébreu « le bien-aimé ». Cela nous invite à nous savoir être le bien-aimé de Dieu, à en faire le cœur même de notre dignité, de notre valeur, à en faire le fondement de chacune de nos prières dans la gratitude, à en discerner les traces dans notre vie par la louange, à oser y fonder notre liberté de penser, de croire et d’entreprendre. C’est ce que confesse Jésus dans son testament spirituel : « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés »(Jean 15:9). Jésus s’est construit sur le fait d’être le bien-aimé de Dieu.
Cela nous appelle aussi à la gratitude pour toutes les fois où nous avons été aimés dans notre vie. Quand on fait régner ainsi la grâce au-dessus de tout ce qui compte pour nous, cela change tout. Cela change notre façon de faire de la théologie, cela infuse dans notre façon de rendre service, dans notre façon d’agir et de nous reposer, de faire de la musique ou de rêver, cela nous donne d’être sans avoir besoin de nous excuser d’exister… Parce que nous avons saisi que nous sommes bénis, et bénis « au milieu de nos frères et sœurs » : non au-dessus ni en-dessous, ni contre eux ni sans eux., mais parmi nos frères et sœurs. À la fois berger et aussi un peu prophète, et roi : un roi qui respire louange à l’Éternel.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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9:15Or, un jour avant l'arrivée de Saül, l'Éternel avait averti Samuel, 16en disant : Demain, à cette heure-ci, je t'enverrai un homme du pays de Benjamin, et tu lui donneras l'onction pour qu'il soit le conducteur de mon peuple d'Israël. Il sauvera mon peuple de la main des Philistins ; car j'ai pris garde à mon peuple, parce que son cri est venu jusqu'à moi. 17Samuel aperçut Saül, et l'Éternel lui dit : Voici l'homme dont je t'ai parlé ; c'est lui qui détiendra le pouvoir sur mon peuple. 18Saül s'approcha de Samuel à la porte (de la ville) et dit : Indique-moi, je te prie, où est la maison du voyant. 19Samuel répondit à Saül : c'est moi le voyant…
10 :1 Samuel prit une fiole d'huile qu'il répandit sur la tête de Saül. Il l'embrassa et dit : l'Éternel t'a donné l'onction pour que tu sois le conducteur de son héritage.
15 :35 L'Éternel avait eu du regret d'avoir fait régner Saül sur Israël… 16:1L'Éternel dit à Samuel : Remplis ta corne d'huile et va ! Je t'envoie chez Isaï, de Bethléhem, car j'ai vu un roi pour moi parmi ses fils. …
6Lorsqu'ils arrivèrent, il se dit, en voyant Éliab : Certainement, le messie de l'Éternel est ici devant lui. 7Mais l'Éternel dit à Samuel : Ne prends pas garde à son apparence et à sa haute taille, car je l'ai rejeté. (Il ne s'agit) pas de ce que l'homme considère ; l'homme regarde à (ce qui frappe) les yeux, mais l'Éternel regarde au cœur. 8Isaï appela Abinadab et le fit passer devant Samuel. Samuel dit : L'Éternel n'a pas non plus choisi celui-ci. 9Isaï fit passer Chamma, et Samuel dit : L'Éternel n'a pas non plus choisi celui-ci. 10Isaï fit passer ses sept fils devant Samuel, et Samuel dit à Isaï : L'Éternel n'a choisi aucun d'eux.
11Puis Samuel dit à Isaï : N'y a-t-il plus d'autres jeunes gens ? Et il répondit : Il reste encore le petit, mais il fait paître le troupeau. Alors Samuel dit à Isaï : Envoie-le chercher, car nous ne nous installerons pas avant qu'il ne vienne ici. 12Isaï l'envoya chercher. Or il était roux, avec de beaux yeux et une bonne apparence. L'Éternel dit à Samuel : Lève-toi, donne-lui l'onction, car c'est lui ! 13Samuel prit la corne d'huile et l'oignit au milieu de ses frères. L'Esprit de l'Éternel s'empara de David, à partir de ce jour et après.