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Notre Père, donnes-nous
une bonne digestion

( Marc 7:1-23 ; Marc 3:31-35 )

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 20 novembre 2011
prédication du pasteur Marc Pernot

Bien des pages de l’Évangile montre Jésus critiquant les « scribes et Pharisiens hypocrites ». Ces textes nous donnent une joie un peu méchante : qu’est-ce qu’ils se prennent dans la figure ! nous disons-nous intérieurement en pensant aux juifs, aux musulmans, peut-être même aux catholiques et aux évangéliques... Mais nous, heureusement, nous ne sommes pas dans cette logique d’une religion qui donnerait des obligations et des interdictions à ses fidèles, ni sur ce que nous pouvons manger et boire, ni sur la présence obligatoire au culte, ni sur la quantité d’argent à donner, ni même sur ce que nous devrions penser.

Pourtant, bien entendu, ce texte de l’Évangile a été écrit pour nous. Et ce texte n’a rien de méchant, Jésus ne veut qu’une chose, nous aider, pas nous critiquer.

De la même façon que Jésus annonce aux personnes qui l’écoutent que c’est à eux qu’Ésaïe s’adressait dans ses prophéties écrites 700 ans avant. Et bien c’est à nous que le Christ s’adresse quand il parle ici. Car Jésus n’est pas seulement le sauveur des pharisiens de l’an 30, il est aussi venu le sauveur les oratoriens de l’an 2011.

L’Éternel dit : ce peuple m’honore des lèvres,
Mais son cœur est fort éloigné de moi.

Dans ces paroles que cite Jésus, Ésaïe nous appelle à une cohérence des lèvres et du cœur. Dans la Bible, le cœur représente notre centre de décision. Ésaïe et Jésus nous proposent ici de travailler sur  la cohérence entre notre idéal et nos actes, une cohérence entre ce que nous considérons comme juste et notre façon de diriger notre vie courante. Ce n’est facile pour personne, ni du temps d’Ésaïe, ni du temps de Jésus, ni même pour Jésus. C’est ce que l’on voit quand il est pris de tentations très humaines au début de son ministère et qu’il doit vraiment s’accrocher à ses convictions bibliques fortes et sa relation intime avec Dieu pour tenir bon dans ses actes (Marc 1 :12-13). On le voit aussi quand, à la fin de son ministère, Jésus a du mal à tenir bon dans le jardin de Gethsémanée (Marc 14 :33-37) ou sur la croix quand il doute même de l’existence de Dieu à ses côtés (Marc 15 :34).

Jésus ne se moque donc pas de nous, il ne nous méprise pas quand il nous appelle à cet effort de cohérence. Surtout que ces scribes et pharisiens avaient de l’idéal et ils étaient vraiment des personnes de bonne volonté, en général. Comme nous le sommes, en fait. Nous ne sommes absolument pas contre l’idée de devenir à la hauteur de nos idéaux, surtout en ce qui concerne cet idéal génial qu’est l’Évangile du Christ. Ce n’est donc pas pour être désagréable que Jésus met le doigt où ça fait mal. Ce n’est pas son genre. Mais c’est pour dire aux scribes et pharisens, et donc pour nous dire, ce qui coince :

Vous abandonnez le commandement de Dieu,
et vous observez la tradition des hommes.

Quand Jésus dit cela, ce n’est pas pour proposer un retour à une observation stricte des commandements de la Bible, au contraire. Car Jésus passe son temps à longueur d’évangile à faire preuve d’une grande liberté par rapport à ces commandements. Et ici il va même très très loin dans la remise en cause d’une lecture à la lettre de la Bible quand il dit que peu importe ce que l’on mange, cela ne nous rend pas impur pour autant. Jésus remet ici en cause un principe fondamental des règles alimentaires de la Torah. Jésus n’est pas un fondamentaliste mais un homme de foi qui puise dans la Bible une véritable inspiration.

Par conséquent, quand Jésus nous dit de faire attention à ne pas abandonner le commandement de Dieu pour rester dans la tradition des hommes, il n’identifie pas la Bible et la Parole de Dieu, au contraire. Nous le voyons dans ce passage écarter la lettre des commandements bibliques pour nous recentrer sur une ouverture au salut que Dieu nous donne directement. C’est cela qui peut nous permettre de progresser dans la convergence entre nos idéaux et notre façon d’être. Et c’est ce souffle qui conduit Jésus à une liberté féconde par rapport à la Loi, une liberté qui n’est pas du n’importe quoi, mais qui est enracinée dans une lecture spirituelle de la Bible et du monde qui l’entoure.

Le fond du problème, c’est d’abandonner ce que Dieu nous souffle, et de rester coincé dans l’observance de notre tradition humaine, dans cette inertie naturelle qui gène sans cesse la transformation de notre vie par nos idéaux et notre foi. Un jour se succédant à un autre jour, notre rythme de vie, qu’il soit sur-occupé, normalement occupé, ou trop vide, que nous soyons d’une humeur joyeuse ou dépressive, que nous ayons de gros ou de petits soucis... nous sommes comme sur des rails, faisant les choses sans trop y penser, dans une routine. C’est naturel, car le propre de tout être est d’aspirer à une certaine stabilité malgré l’érosion naturelle qui menace toute chose en ce monde. Notre inertie est déjà une caractéristique de la matière de notre corps et de la vie de ce corps. Une inertie est aussi inscrite très profondément dans notre façon d’être vivant, c’est notre façon d’être quotidienne, c’est à la fois nous-même, mais ce n’est pas non plus tout à fait nous puisqu’il y a heureusement cet écart avec notre idéal, avec notre foi. Il est seulement bon de travailler sur cet écart comme Jésus nous y invite ici.

Le traintrain de la vie quotidienne, nos habitudes, nos coutumes familiales… notre tradition humaine est comme des rails et des œillères. Nous sommes embourbés dans propre tradition. Jésus bouscule tout ça avec sa liberté inspirée. Il incarne bien cette impulsion créatrice de Dieu qui peut nous aider à sortir de ce trop tranquille traintrain qui sous son aspect confortable est une logique de mort.

Jésus poursuit en nous donnant une piste, même si cela ne saute pas aux yeux :

Honore ton père et ta mère,
Celui qui parlera mal de père ou mère, il finira mort.

À première vue cela ressemble à un appel à bien observer la Loi de Moïse en prenant un exemple, mais comme je l’ai fait remarquer plus haut, dans ce contexte, ce n’est pas possible. D’autant plus que dans l’Évangile selon Marc nous n’avons pas l’impression que Jésus honore tellement Marie, sa mère. Le seul passage dans cet évangile où il est question des relations de Jésus avec sa mère est celui que nous avons entendu où elle est en dehors du cercle des disciples, et où Jésus dit que :

Quiconque fait la volonté de Dieu,
celui-là est mon frère, ma soeur, et ma mère. (Marc 3:35)

Il est bien entendu fondamental pour les parents de s’occuper de leurs enfants et pour les enfants de s’occuper de ses parents. Mais Jésus ne descend jamais à ce niveau de petit conseil moral de base. Son enseignement est à un autre niveau. Par exemple quand il dit que c’est une bonne idée d’aimer son prochain comme nous-mêmes (Marc 12:31), Jésus ne dit pas qui est notre prochain, c’est à chacun en particulier de chercher quelle est sa vocation et qui lui est confié en particulier aujourd’hui. Mais il est assez évident que nos parents font partie des prochains qui nous sont confiés, au moins autant que nos enfants.

Mais ici, ce n’est pas le fond de la question. La question, c’est de saisir l’impulsion que Dieu nous donne pour sortir de l’ornière de notre traintrain d’être humain.

Si l’on prend la lecture spirituelle que donne Jésus un peu plus tôt sur ce qu’est sa mère et ses frères, « honore ton père et ta mère » cela veut dire honorer le moindre geste faisant la volonté de Dieu, le moindre geste qui sort de l’ordinaire par sa bonté, sa créativité, son espérance. Honorer ou glorifier quelque chose, c’est plus que lui donner du poids, c’est la laisser transformer la réalité, comme la « gloire de Dieu », dans l’histoire de Moïse, guidait et nourrissait les hébreux dans leur cheminement de libération. Il ne s’agit donc pas seulement d’honorer Dieu de façon abstraite, mais c’est sentir les minuscules étincelles qui, dans notre vie, nous ont rendu plus vivants et pourraient nous rendre plus vivants, nous permettrait de faire un pas et de franchir un cap.

Quelque chose qui serait ainsi de l’ordre du père pour nous, c’est peut-être, dans ce contexte, quelque chose qui nous apprend notre métier, notre vocation, et qui nous laisse prendre notre stature d’héritier.

Quelque chose qui serait de l’ordre de la mère pour nous, c’est quelque chose qui fait frémir notre tendresse, notre bienveillance, quelque chose qui nourrit et qui fait grandir.

Oui, honorer père et mère au jour le jour, honorer ces sources qui nous donnent la vie d’en haut est la simple clef de l’incarnation de notre idéal et de notre foi dans nos actes.

Mais trois écueils, trois troubles dans cette ouverture concrète au Logos de Dieu sont présentés dans ce texte.

1) « Quiconque parlera mal de père ou mère ne peut aller que vers la mort », nous dit Jésus : le simple mépris de ces petites étincelles de bonté tue cette dynamique.

2) Le Korban est le 2e écueil, quand nous nous trouvons des rites qui nous donnent le sentiment d’avoir fait ce qu’il faut, ce que nous glorifions alors n’est qu’un reflet d’ornière, ce n’est pas une étincelle de vie véritable. Ce Korban, c’est le risque des beaux gestes généreux mais sans amour, c’est le risque de l’accumulation de savoir sans amour, c’est le risque de la foi sans recherche de l’amour nous dit Paul, qui pourtant est un champion de la générosité, de la science et de la foi au service de la vie nouvelle (1 Cor. 13).

3) et enfin, le troisième écueil est d’avoir peur de manger sans s’être lavé les mains jusqu’au coudes, et sans avoir récuré sa maison du sol au plafond dès que l’on revient de la place du marché.

Jésus dit que cela nous détourne des vrais enjeux. Ça nous maintient même bien profondément dans notre petite ornière étriquée. Ce que nous mangeons n’a aucun risque de nous rendre impur, c’est ce qui sort de notre bouche qui peut nous rendre impur. Qu’est-ce qua ça veut dire ? Quel rapport avec cette tradition qui nous tue et la dynamique de Dieu qui fait vivre ?

Là encore, Jésus aurait complètement tort si l’on comprenait ses paroles à la lettre. C’est évidemment une bonne idée de se laver les mains avant de manger quand on a pris le métro. Ce n’est pas ce que Jésus remet en cause. Mais s’il s’agit d’une peur des autres, s’il s’agit de les considérer comme impurs, de craindre d’attraper à leur contact quelque chose de sale qui viendrait des autres… C’est un problème, nous dit Jésus. Ses disciples ne sont pas comme ça, parce que Jésus n’est pas comme ça, il va chez tout le monde, mange avec eux, discute, il écoute ce qu’ils pensent, et ses disciples, comme lui, vont dans le monde sans peur des taches. Ce n’est pas de l’angélisme, c’est de la bonne digestion, qui garde le meilleur et qui rejette « comme aux toilettes » ce qui doit s’y retrouver.

Dans nos rencontres, il y a du bien et du moins bien, il y a du génial et du carrément méchant et sale. Une bonne digestion permet de purifier tout ça, parfois ça charge un peu l’estomac, le foie, la foi, et les intestins, certes, mais bon, ça passe. Il y a tant à garder comme étincelles de vie, comme vrais gestes ou paroles qui sont des sources de vie divine. Des petites choses qui nous enfantent comme meilleur, pour peu que l’on prenne la peine de les assimiler sans s’effrayer si ce n’est pas tout à fait pur.

Dans notre passé, dans ce que nous avons reçu comme culture, dans notre éducation, dans tout ce qui fait notre tradition humaine à nous, il y a du bon et des choses à purifier. Ne pas en vouloir, ne pas avoir trop peur, ne pas mépriser ni considérer comme impur les autres, ni comme impur notre passé, mais digérer tout cela avec bienveillance et lucidité. La vraie question, c’est ce qu’on fait de ce que nous avons reçu, ce que nous en assimilons, ce qui va constituer notre cœur nouveau. La vraie question, c’est d’avoir des oreilles pour entendre, et d’écouter ce que l’Éternel nous donne pour nous rendre vivant, pour nous donner la bonne impulsion pour nous sortir de l’ornière.

La véritable impureté, l’alerte rouge de notre besoin de Dieu, c’est quand de notre cœur sort toutes ces mauvaises choses que cite Jésus ici : mauvaises pensées, adultères, débauches, meurtres, vols, méchancetés de toutes sortes et autres regards envieux. Tant de chose contre les autres, et même la folie qui fait de nous notre propre ennemi.

Pas de panique à avoir car Dieu, comme Jésus, n’a peur de notre impureté, il n’a pas peur de nous rencontrer et il peut nous purifier. Cette méchanceté n’est qu’une ornière, elle aussi, elle est une tradition dans laquelle nous sommes et que nous arrivons plus ou moins à cacher mais que nous pouvons maintenant présenter à Dieu pour qu’il nous aide à digérer tout ça, et que naisse une vie nouvelle avec un cœur de chair.

Amen.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.

Lecture de la Bible

Marc 7 :1-23

Les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, s’assemblèrent auprès de Jésus.

2 Ils virent quelques-uns de ses disciples mangeaient les pains avec des mains impures, c’est-à-dire, non lavées. 3 Or, les pharisiens et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé les mains jusqu’au coude, conformément à la tradition des anciens; 4 et, quand ils reviennent de la place publique, ils ne mangent qu’après s’être purifiés. Ils ont encore reçu beaucoup d’autres choses à tenir, comme le lavage des coupes, des cruches et des vases d’airain (et des lits).

5 Et les pharisiens et les scribes lui demandèrent: Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens, mais prennent-ils leurs repas avec des mains impures?

6 Jésus leur répondit: Hypocrites, Ésaïe a bien prophétisé sur vous, ainsi qu’il est écrit:

Ce peuple m’honore des lèvres,
Mais son cœur est fort éloigné de moi. 7 C’est en vain qu’ils m’honorent, En donnant des préceptes qui sont des commandements d’hommes.

8 Vous abandonnez le commandement de Dieu,
et vous observez la tradition des hommes.

9 Il leur dit encore; Vous rejetez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition. 10 Car Moïse a dit:

Honore ton père et ta mère; et:
Celui qui parlera mal de père ou mère, il finira mort.

11 Mais vous, vous dites: Si un homme dit à son père ou à sa mère: Ce dont j’aurais pu t’assister est korban, c’est-à-dire, une offrande à Dieu, 12 vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour sa mère, 13 annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie. Et vous faites beaucoup d’autres choses semblables.

14 Ensuite, ayant de nouveau appelé la foule à lui, il lui dit : Écoutez-moi tous, et comprenez. 15 Il n’est hors de l’homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le souille. 16 Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende.

17 Lorsqu’il fut entré dans la maison, loin de la foule, ses disciples l’interrogèrent sur cette parabole.

18 Il leur dit: Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence? Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller? 19 Car cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s’en va dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments.

20 Il dit encore: Ce qui sort de l’homme, c’est ce qui souille l’homme. 21 Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les débauches, les meurtres, 22 les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. 23 Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l’homme.

Marc 3:31-35

Survinrent sa mère et ses frères, qui, se tenant dehors, l’envoyèrent appeler.

32 La foule était assise autour de lui, et on lui dit: Voici, ta mère et tes frères sont dehors et te demandent.

33 Et il répondit: Qui est ma mère, et qui sont mes frères? 34 Puis, jetant les regards sur ceux qui étaient assis tout autour de lui: Voici, dit-il, ma mère et mes frères.

35 Car, quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma soeur, et ma mère.

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 09:04)

(début de la prédication à 09:04)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot