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Nos « charismes », cadeaux de Dieu à découvrir

(Luc 10:25-42)

(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)

22 décembre 2024 au temple de Chêne Bourg
prédication du pasteur Marc Pernot

Un charisme : c’est un talent personnel qui nous est donné par Dieu, en cadeau. Qu’est-ce que cela signifie ? Comment découvrir nos charismes, comment les vivre, en pratique ? Cela peut être tellement de choses, c’est tellement variable.

Par exemple, dans cette parabole de Jésus. Le bon samaritain vaquait à ses occupations : il est en voyage, peut-être pour du tourisme, pour aller voir sa famille ou pour son travail. Et voilà que cet homme à moitié mort se trouve sur son chemin : il ressent alors une vocation particulière à cet instant. Quel était son charisme ? Quel est son talent ? Il a du cœur, il a une certaine disponibilité, il a quelques moyens. Cela lui donne un charisme particulier, qui se révèle, se concrétise peut-être seulement à cet instant-là. Le prêtre et le théologien de cette histoire ont comme charisme de chercher Dieu. Ils sont concentrés là-dessus, et Jésus ne critique pas le fait qu’ils ne s’arrêtent pas pour soigner l’homme blessé. Il arrive à Jésus de faire la même chose : dans l’Évangile, nous voyons parfois Jésus renvoyer la foule, qui a pourtant tellement besoin de l’entendre, et Jésus part seul dans la montagne pour prier Dieu, réfléchir, se ressourcer. Dans cette histoire, il y a aussi le blessé, quel est son talent ? Peut-être qu’il est musicien ou artisan ? Mais là, ces talents sont alors en panne, on fait comme on peut, et Jésus ne critique pas non plus, bien sûr, cet homme d’être alors incapable de rien faire.

L’aubergiste ? Il fait son boulot. Et Jésus aussi, ce jour-là, il ne se repose pas : son charisme est d’enseigner, il est de faire réfléchir les autres, de prendre soin d’eux et de les réconcilier avec Dieu. Jésus a d’autres charismes : l’habileté manuelle, le travail de charpente, mais ce talent-là, il a choisi de le laisser de côté, on a donc le droit de choisir.

Marie ? Son charisme est alors d’écouter la parole de Jésus : à ce moment-là de son cheminement, elle n’est pas encore capable d’entrer au service de l’autre, elle est finalement un petit peu comme le blessé qui était au bord du chemin. Savoir se laisser aider est aussi un talent, un charisme. Marthe ? Son charisme est de servir, et de servir ardemment : cela permet aux autres d’être libres de faire ce qu’ils pensent faire : à Jésus d’enseigner, à Marie d’écouter et aux disciples de se reposer. Ils sont comme le blessé, à ce moment-là ils sont au bord du chemin et reprennent des forces.

Jésus embrasse tout cela, toutes ces possibilités, tous ces charismes particuliers. Ce qu’il semble regretter, seulement, c’est quand Marthe croit mieux savoir que sa sœur Marie les charismes qu’elle possède, ou non, à ce moment-là.

Cela me fait penser à la parole de l’apôtre Paul qui dit « Je voudrais que tous soient comme moi, mais chacun tient de Dieu un charisme particulier. » (1 Corinthiens 7:7). Marthe est comme cela, nous avons tous cette tendance, mais Paul, à la suite de Jésus, prend du recul par rapport à ce premier sentiment afin que chaque personne puisse découvrir ses propres charismes, et ce qu’il en fera, ou non, à tel moment de sa vie.

À nous donc de discerner nos charismes, seulement, il y a quelque chose qui peut nous faire peur : nous imaginons parfois que ce serait un manque d’humilité de reconnaître nos talents ? Au contraire : Jésus ne nous humilie jamais, il cherche à nous élever, à nous faire discerner nos talents.

Une autre chose peut nous faire inconsciemment craindre de discerner nos talents : nous imaginons que nos charismes nous donneraient l’obligation de faire quelque chose avec ces talents que nous avons reçus. Comme si Dieu nous attendrait au virage ! Absolument pas. Un « charisme », littéralement en grec, c’est un don de la grâce de Dieu (qui se dit « charis » en grec). Si le charisme est un don de la grâce, c’est sans mérite de notre part, et c’est aussi sans obligation pour l’avenir, sinon ce ne serait alors plus gratuit, mais ce serait de la part de Dieu comme un calcul attendant un retour sur investissement. Ce serait comme quand des parents disent à leurs enfants : « Après tout ce que j’ai fait pour toi, tu pourrais bien faire ceci… » Cette attitude est perverse. Dieu n’est pas comme cela. Dieu est amour, nos charismes sont des cadeaux de Dieu dans le seul but de nous donner de la joie. C’est ce que l’on entend immédiatement en grec avec ce mot « charisme » : il vient de « charis », la grâce, et les deux viennent à la base de « chara », la joie.

Il n’y aurait donc rien à faire de nos charismes ? C’est plus compliqué que cela, et on le voit dans la question du théologien qui interroge Jésus au début de cette page de l’Évangile. Il hésite, s’embrouille, il dit : « Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » Il faudrait savoir : « Que dois-je faire ? » suppose un devoir, une obligation d’agir. Pourtant, il sait que nous recevons la vie « en héritage », or c’est par définition quelque chose que nous recevons en cadeau sans avoir travaillé.

Une parole de Jésus nous permet, je pense, de lever ce paradoxe. C’est quand Jésus explique sa mission : il dit qu’il est « venu afin que nous ayons la vie et que nous ayons la vie en abondance »(Jean 10:10). Son but premier est que nous ayons la vie, parce qu’effectivement, Dieu s’intéresse à nous pour nous-mêmes, c’est un don gratuit. Le premier charisme, le premier don de Dieu, c’est que nous soyons nous-mêmes, et que nous soyons vivants. Il veut que nous soyons joyeux d’être nous et d’être vivants, richement vivants dans les multiples dimensions de notre être. C’est son espérance et le but premier de ses dons en Christ.

Jésus dit ainsi qu’il veut d’abord pour nous la vie, et qu’il veut en plus, en second, que nous ayons la vie en abondance. Ou, plus précisément, que notre vie « déborde alentour ». C’est là, finalement, que nous pouvons lire une espérance d’action de notre part. Non pas en tant qu’un devoir sous pression, mais comme une abondance de notre propre vitalité, comme un pommier qui donne des pommes : personne ne lui a commandé de produire ces pommes, c’est l’abondance de sa nature, et c’est une joie pour le pommier. J’en suis certain.

Alors que si c’était une sorte de chantage moral, où serait la joie ? Où serait l’amour et la grâce dans le geste de porter quelques fruits ?

Comment faire pour avoir cette joie de produire nos fruits ? Cela demande d’abord de discerner nos talents, nos charismes. De les aimer.

Le premier de ces talents, le charisme le plus précieux et que même la plus pauvre des personnes possède, c’est d’être soi-même et d’être en vie. C’est ce que Jésus effectivement désire nous apporter en premier : la vie, c’est le premier de nos charismes. Comment faire pour discerner et prendre en main ce premier charisme, le plus précieux de ces charismes, le premier palier du programme de Jésus ? Nous pouvons nous ouvrir à la joie de ce don par l’émerveillement, l’émerveillement devant l’univers tout entier, depuis les galaxies jusqu’aux plus petites particules, la beauté, la nature, la beauté des êtres vivants jusqu’à une petite fleur d’alpage, tout aussi magnifique. Et nous émerveiller de ce premier charisme que nous avons d’être nous-mêmes une part de cet univers, et d’être vivants. C’est un sujet digne de joie.

Ensuite, nous avons d’autres talents, d’autres charismes. Il est bon de chercher ce qui nous est spécifique. Ce qui nous a effectivement été donné (même si nous avons ensuite développé ce talent par nos efforts). C’est ce que développe l’apôtre Paul avec cette comparaison de l’humanité avec un corps, le corps du Christ, nous dit-il (1 Corinthiens 12) : chaque membre a son charisme ; un pied, un œil n’ont pas le même charisme. Paul explique que le pied ne peut pas dire : « parce que je ne suis pas un œil, je ne suis pas digne d’être dans le corps », et que l’œil ne peut pas dire aux pieds : « parce que tu n’es pas un œil, tu ne fais pas partie du corps. »

C’est dans la prière, dans la réflexion, dans l’observation du monde alentour que nous pouvons chercher à discerner quels sont nos charismes particuliers. Cela peut nous donner alors envie d’agir non pas par obligation, mais comme le pommier donne ses pommes : par abondance de sa nature. Cette puissance de la sève dans l’arbre est en nous le travail de l’Esprit, encore un don de la grâce de Dieu pour nous.

« Chacun a son charisme particulier », nous dit Paul. C’est vrai pour chaque personne. Et c’est vrai pour chaque groupe de personnes. Par exemple, pour le couple, il y a le charisme de Roméo, il y a le charisme de Juliette, il y a aussi le charisme du couple formé par Roméo et Juliette.

De même pour l’Église : toutes les églises ont en commun d’avoir ce charisme extraordinaire qu’est l’Évangile du Christ. Ensuite, chaque église a son charisme particulier. Qu’est-ce que notre église a de spécifique ? Chacun peut avoir son avis, mais je dirais que, depuis la Réformation en tout cas, notre charisme est d’apprendre à lire à chaque personne, que chacun puisse apprendre à se poser des questions, à penser, à interpréter soi-même la Bible en liberté, avec l’aide directe de Dieu. Que chaque personne puisse ainsi développer son intelligence de l’Évangile, de sa vie et du monde, qu’elle puisse discerner son propre charisme. Et peut-être, découvrir alors la joie de porter quelques fruits, ses fruits (Psaume 1er). Et d'avoir été utile, à notre mesure. D'avoir fait un peu de bien, Par grâce.

Que Dieu nous donne de découvrir et de déballer ces cadeaux que sont les charismes qu’il nous a déjà donnés.

Amen

pasteur Marc Pernot

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Textes Bibliques

Évangile selon

Évangile selon Luc 10:25-42

Et voici qu'un théologien, spécialiste de la Bible, se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 26Jésus lui dit : Qu'est-il écrit dans la loi ? Qu'y lis-tu ? 27Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même.28Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. 29Mais lui voulut se justifier et dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?

30Jésus reprit la parole et dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à demi-mort. 31 Par hasard, un sacrificateur descendait par le même chemin ; il vit cet homme et passa outre. 32Un Lévite arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa outre. 33Mais un Samaritain, qui voyageait, arriva près de lui, le vit et en eut compassion. 34Il s'approcha et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin ; puis il le plaça sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. 35Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à l'hôtelier et dit : Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à mon retour. 36Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? 37Il répondit : C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même.

38Pendant qu'ils étaient en route, Jésus entra dans un village, et une femme, du nom de Marthe, le reçut dans sa maison. 39Elle avait une sœur, appelée Marie, qui s'assit aux pieds du Seigneur, et qui écoutait sa parole. 40Marthe était absorbée par les nombreux soucis du service ; elle survint et dit : Seigneur, tu ne te mets pas en peine de ce que ma sœur me laisse seule pour servir ? Dis-lui donc de m'aider. 41Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses. 42Or une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera pas ôtée.