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Pâques

(Jean 19:41-20:22 )

 (voir la vidéo ci-dessous)

Culte de Pâques 2013
prédication du pasteur Marc Pernot

« Noli me tangere » et autres mystères

prédication du pasteur Marc Pernot

Christ jardinier - Louvre

Église de Coligny (Marne).
Louvre, ca. 1510

« Noli me tangere », il y a des dizaines de tableaux qui portent ce titre dans notre annexe, en face, au Louvre. Ce texte où le Christ ressuscité dit à Marie-Madeleine « Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. » est un texte qui a plongé les commentateurs dans la perplexité depuis l’antiquité. C’est embarrassant, car c’est manifestement le sommet de ce passage et que Marie-Madeleine y reçoit du Christ la plus haute des missions, celle d’enseigner les apôtres, Christ fait d’elle ici l’apôtre par excellence, l’apôtre des apôtres.

Ce « ne me touche pas » n’est pas le seul élément curieux, il y a aussi la visite des anges et le fait que le Christ ressuscité soit pris pour « le jardinier , même pas seulement « un » jardinier ou un elaiourgion, un cultivateur d’oliviers. Ni Matthieu, ni Marc, ni Luc ne parle d’un jardin, Jean le seul qui en parle et il insiste sur ce point (19:41). Mais tous ces éléments curieux ou inutiles s’assemblent comme des signes renvoyant au récit archi-connu de la Genèse, non pas la création que Jean paraphrase au début de son Évangile mais la suite, qui se déroule dans le jardin d’Éden. Adam y est effectivement le jardinier, avec la mission de garder et de cultiver le jardin d’Éden, de faire librement tout ce que lui et Ève auront comme projet, avec une seule limite « Quant à l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas et "vous n’y toucherez pas", de peur que vous ne mouriez. » (Genèse 3:3).Les anges entourant l’absence du corps de Jésus évoquent ceux que Dieu place sur le chemin de l’arbre de vie pour nous aider à le trouver. (Gen.3:24)

Ce texte nous dit que Marie-Madeleine, dans sa recherche de Jésus, touche au jardin d’Éden, que le corps absent de Jésus est la porte(Jn 10:9), encadrée par les anges qui indiquent le chemin vers l’arbre de vie. Et selon une rhétorique habituelle dans les évangiles, Christ est à fois cette parole qui nous montre le chemin(Jn 1:14), Christ est le chemin(Jn 14:6) vers l’arbre de vie, et Christ est cet arbre de vie offert pour que nous le prenions et le mangions(Jn 6:54).

Le « ne me touche pas » semble dire qu’à ce stade de développement de la foi de Marie-Madeleine, Christ est plutôt pour elle l’arbre de la connaissance du bien et du mal que l’arbre de vie. Et effectivement, c’est bien de la connaissance que Marie veut cueillir, quand Christ l’appelle à la vie en l’appelant par son nom, Marie, lui répond « Rabbouni », son maître religieux dont elle attend des fruits de théologie, de philosophie et de comportement. Au milieu du jardin, nous dit la Genèse, il y a deux arbres, et comme il y a un seul milieu, il s’agit probablement du même arbre qui, selon l’usage que l’on en fait, est à la fois l’arbre de la vie éternelle offerte en Christ et l’arbre de la connaissance du bien et du mal que nous ne devons même pas toucher.

Cette méditation de Jean sur le témoignage de Marie-Madeleine nous invite à nous approprier ce qu’est le Christ, il nous invite à entrer dans une démarche de conversions au pluriel. Marie, sans cesse dans ce texte, chemine, court, se tourne et se retourne. Avec elle, nous entrons dans un cheminement avec et par le Christ, qui est la résurrection et la vie, et ressuscitons un peu, maintenant, et encore un peu plus demain. Et comme elle, l’apôtre des apôtres, soyons à tous les étapes de notre cheminement, porteur de cette semence de résurrection pour ceux que nous aimons.

1) La mémoire

En grec, le mot tombeau utilisé ici pourrait se traduire par « mémorial ». Marie Madeleine nous invite ainsi à nous souvenir de Jésus, de ce qu’il a fait et ce qu’il a été. Marie s’appuie sa propre recherche et elle court aussi pour se souvenir et s’interroger avec d’autres. C’est ce que nous faisons, et ce mouvement nous place déjà dans le jardin d’Éden, le jardin des délices.

Ce Jardin est à la fois, nous le voyons avec l’histoire d’Adam & Ève, le lieu de la bénédiction de Dieu et de notre juste créativité dans ce monde, mais ce jardin peut aussi être celui de l’arrogance de l’homme.

2) L’écart

Il y a ainsi une avancé, mais inaboutie, et même décevante. C’est comme l’écart entre lire un roman d’amour et être amoureux. L’Évangile, la théologie, les belles idées, les promesses même de Dieu… Tout cela est utile pour aller à la porte de chemin, mais cela peut rester à l’état de tombeau vide. Pas longtemps pour Marie. Comment fait-elle ? Que lui arrive t-il ?

3) S’investir

Contrairement à Pierre et Jean lui-même qui sont repartis, elle se tient là, à la porte des promesses de Dieu en Christ, Marie-Madeleine s’investit, elle pleure sur ce manque qu’elle ressent, elle s’interroge, elle se baisse et regarde encore vers cette mémoire du Christ. C’est comme une prière, une soif, une humilité, c’est déjà une espérance et une écoute, elle attend. Du coup, elle peut voir les anges. C’est là que tout bascule dans une première conversion. « Elle se retourne en arrière » dit le texte, geste étrange qui lui évite de tomber dans le tombeau de la seule mémoire du Jésus passé, elle est mise en chemin vers l’arbre de vie.

4) Qui cherches-tu ?

Elle cherchait un lieu. C’est rassurant, un lieu, c’est stable, on peut mettre y mettre les deux pieds et s’y poser. Mais par la mémoire de Jésus et par son espérance, Marie est déjà dans ce lieu qu’elle cherche, sans le savoir, car ce lieu est un cheminement. La Parole vivante de Dieu lui propose cette nouvelle question « Qui cherches-tu ? », Parole qui lui font chercher une personne vivante à rencontrer plutôt qu’une mémoire à embaumer.

5) Voici l’homme

Marie s’entend alors appeler par son nom et rencontre « le jardinier », l’Adam véritable (1Cor. 15:45), l’humain tel que Dieu l’espère et qu’il discerne déjà en nous. C’est pourquoi Jésus dit à plusieurs reprise dans cet Évangile que son Père et lui demeurent en nous (Jn 6:56,14:23,15:4). Cette rencontre avec le Christ est donc une expérience intérieure, existentielle et mystique, par laquelle nous prenons conscience que notre moi le plus intime n’est pas étranger à ce qu’est le Christ, expérience que nous sommes, malgré nos limites, authentiquement humains et par là même habités par Dieu, mais aussi appelés à être jardinier du monde, appelés à l’ensemencer de graines de vie éternelle.

Nous sommes alors, avec Marie, au milieu du jardin d’Éden, au pied à la fois de l’arbre de vie et de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Avant de manger le Christ, nous dit le jardinier divin, il faut d’abord qu’il monte vers l’Éternel. Pour que ce soit dans une vraie relation à Dieu et non pas dans l’arrogance de notre savoir sur Dieu, qui a été utile dans la première étape, ou dans l’orgueil de notre pouvoir en ce monde, qui sera utile plus tard. Même le Christ ne se prend pas ici pour Dieu, contrairement à l’Adam de la Genèse, Christ sait que le Père est au-dessus de tous, même s’il est déjà en tous et en lui, Jésus-Christ, plus qu’en tout autre. C’est de l’union du Père et du Fils que nous pouvons nous nourrir, et recevoir une vie qui surpasse la vie de notre corps terrestre, et qui surpasse même tout ce que l’on peut penser et dire sur la vie, le Christ et Dieu.

Amen.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.

Lecture de la Bible

Jean 19:41-20:22

Il y avait un jardin dans le lieu où Jésus avait été crucifié, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne encore n’avait été mis. 42 Ce fut là qu’ils déposèrent Jésus, à cause de la préparation des Juifs, parce que le sépulcre était proche.

Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala se rendit au tombeau dès le matin, comme il faisait encore obscur; et elle vit que la pierre était ôtée du tombeau.

2 Elle courut vers Simon Pierre et vers l’autre disciple que Jésus aimait, et leur dit: Ils ont enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons où ils l’ont mis.

3 Pierre et l’autre disciple sortirent, et allèrent au tombeau. 4 Ils couraient tous deux ensemble. Mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au tombeau; 5 s’étant baissé, il vit les bandes qui étaient à terre, cependant il n’entra pas. 6 Simon Pierre, qui le suivait, arriva et entra dans le tombeau; il vit les bandes qui étaient à terre, 7 et le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandes, mais plié dans un lieu à part. 8 Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi; et il vit, et il crut. 9 Car ils ne comprenaient pas encore que, selon l’Ecriture, Jésus devait ressusciter des morts. 10 Et les disciples s’en retournèrent chez eux.

11 Cependant Marie se tenait dehors près du tombeau, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa vers le tombeau; 12 et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds.

13 Ils lui dirent: Femme, pourquoi pleures-tu? Elle leur répondit: Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. 14 En disant cela, elle se retourna en arrière, et elle vit Jésus debout; mais elle ne savait pas que c’était Jésus.

15 Jésus lui dit: Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?

Elle, pensant que c’était le jardinier, lui dit: Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je le prendrai.

16 Jésus lui dit: Marie! Elle se retourna, et lui dit en hébreu: Rabbouni! c’est-à-dire, Maître!

17 Jésus lui dit: Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.

18 Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur, et qu’il lui avait dit ces choses.

19 Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu’ils avaient des Juifs, Jésus vint, se présenta au milieu d’eux, et leur dit: La paix soit avec vous!

20 Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie en voyant le Seigneur.

21 Jésus leur dit de nouveau: La paix soit avec vous! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.

22 Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint-Esprit. 23 Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 10:18)

(début de la prédication à 10:18)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot