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22 décembre 2024 au temple de Chêne Bourg
prédication du pasteur Marc Pernot
« Christ est notre Pâque » (1 Corinthiens 5 :7) s’écrie l’apôtre Paul. C’est sa façon de nous dire ce que Christ nous apporte concrètement. Voici donc la bonne nouvelle de Noël : Christ, « notre Pâque » apparaît, vient au monde pour nous. De quoi est-ce que Paul témoigne en parlant ainsi ? Pâque est le grand récit de la Bible qui dit comment Dieu nous libère, nous arrache à ce qui nous rend esclaves et nous fait avancer vers la liberté, vers la vie, l’épanouissement de notre personnalité.
C’est précieux car être une personne libre n’est absolument pas une évidence. Est-ce qu’un petit enfant est libre ? Pas tellement : il peut faire ce qu’il veut avec ses petits moyens, mais a-t-il choisi ce qu’il veut ? Il est captif de son désir de l’instant. Pour être un petit peu plus libre, il nous faut toute une vie : une croissance, une maturation afin d’avoir une bonne capacité à voir clair (y compris en nous-mêmes), à saisir les situations avec nuances, à élaborer des choix personnels selon ce qui nous importe le plus dans notre vie, et enfin (et non des moindres) : arriver à suivre ce que nous avons décidé… C’est tout un programme. Une évolution à venir.
Une personne est-elle libre de faire la guerre, d’agresser des femmes et des enfants, de détrousser ses semblables ? Comme le dit Jésus à propos des soldats romains qui le crucifient : « Ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23 :34). Ils ne feraient pas cela s’ils savaient véritablement ce qu’ils font et combien ils pourraient au contraire embellir le monde en agissant différemment.
Depuis toujours, le projet de Dieu est de nous libérer : que notre sauvagerie soit ainsi débordée et que notre bonne personnalité prenne un peu plus le contrôle sur notre propre être.
C’est ce que souligne le philosophe Paul Ricœur, il nous dit : « Personnellement, je crois de plus en plus que la grande question qui doit travailler la communauté de croyants, c’est : comment libérer le fond de bonté de l’homme ? Il y a tellement de malheur, de désespérance, de violence, qu’il faut rassembler tous les petits bonheurs et tous les signes de bonté. Contre une tradition de culpabilisation, ne faudrait-il pas essayer de libérer la bonté ? … découvrir le fond de bonté qui n’a jamais été complètement effacé par le mal. »
Quand Paul dit que « Christ est notre Pâque », c’est de ça dont il parle : Christ libère notre « fond de bonté » de ce qui l’étouffe. Le récit biblique de la « Pâque » est un récit à vivre : notre propre « fond de bonté » est figuré par le peuple hébreu, et notre sauvagerie est figurée par les soldats du pharaon empêchant les Hébreux de s’échapper.
C’est aujourd’hui Noël, le récit d’un accouchement, d’une naissance. Le récit de la Pâque dans le livre de l’Exode commence en quelque sorte par un accouchement, dans un jaillissement d’eau : les Hébreux étaient captifs, Dieu leur permet d’échapper à travers la mer Rouge. C’est comme une naissance à travers l’eau : un tri en nous-mêmes pour sauver ce qui est vivant. Il y a quelque chose d’une mort et d’une naissance dans ce passage : naissance de notre « fond de bonté » qui était existait comme en gestation et qui se révèle alors. Mort de ce qui retenait notre bonté captive, comme le dit Ricœur : tout ce « trop de malheur, de désespérance, de violence ».
Paul nous précise le lien avec le Christ qui nous est donné : cette Pâque est comme une plongée dans la vie du Christ, dans sa mort et dans sa résurrection, c’est une démarche un processus de nouveauté de vie.
Voilà ce qui nous est offert par Dieu en Christ, voilà ce que nous célébrons à Noël et à Pâques. Mais concrètement comment vivre ce processus ?
Paul parle de baptêmes qui sont essentiels pour vivre ces processus dont il est question. Pourtant, nous savons que Paul ne baptisait en général personne (1 Cor. 1 :17), et d’ailleurs Jésus non plus (Jean 4:2) . Ce n’est donc pas une question de rite, sinon ils auraient baptisé tout le monde. Le verbe baptisein en grec (βαπτίζειν) veut dire simplement plonger, comme on plonge le pain dans la fondue. « Baptisé en Christ » c’est littéralement « plongé dans le Christ ». C’est ça l’essentiel que Paul souligne. Il y a bien des façons de nous « plonger dans le Christ » et c’est une opération de chaque jour. C’est un travail intellectuel en nous interrogeant sur ce qu’il a fait et enseigné. C’est une démarche spirituelle en priant ce Dieu de pure bonté qu’il révèle. C’est s’inspirer de l’authenticité de Jésus, de sa liberté de parole et d’action, de sa générosité parfois rude cherchant à libérer chacun.
Paul parle d’une autre plongée « en Moïse » qu’il met en parallèle avec la plongée en Christ : cela nous aide à comprendre ce processus de libération de « notre fond de bonté ». Il y a 4 choses, nous dit Paul :
La nuée dont parle Paul, c’est « la Shékhina » (en hébreu Shrinah שְׁכִינָה) : la présence concrète et sensible de Dieu qui est le moteur de l’avancée des Hébreux dans leur libération à travers la mer, fleuve et déserts.
La nuée, ou la Shékhina, c’est une figure très féminine de Dieu qui nous accouche, qui nous porte dans ses bras, nous allaite, nous couvre, comme Marie pour Jésus dans l’Évangile de Noël. Cette Shékhina est l’exact inverse d’un dieu guerrier, terrible, juge et tout puissant. Se plonger dans la Shékhina, c’est choisir d’entrer dans la confiance en ce Dieu qu’a manifesté Jésus-Christ, c’est travailler dans la prière ce sentiment d’être alors en paix, gardé précieusement, en sécurité comme un bébé dans les bras de sa maman qui l’allaite. Ce Dieu nous parle, comme à Moïse, face à face, cœur à cœur.
C’est alors que nous pouvons avoir assez confiance pour discerner, grâce à Dieu, nos bons côtés et nos côtés souffrants, angoissés, voire pénibles. C’est alors que commence ce soin de Dieu pour libérer notre « fond de bonté » du « trop de malheur, de désespérance, de violence ».
Après cette naissance et ce soin vient l’alimentation avec un aliment qu’est le « corps du Christ », aliment spirituel et non matériel, bien sûr. Comme le disent Paul et Jean (6:63). Le manger c’est prendre sa personne, ses actes et ses paroles. C’est les mâcher, les digérer, les incorporer à notre être. Le lien avec l’aliment spirituel des Hébreux dans le désert est intéressant, car ce que Dieu leur donne dans ce récit c’est de la « manne », manhou en hébreu, qui signifie littéralement du « qu’est-ce que c’est que cela ? ». Ce que Dieu nous donne pour libérer notre « fond de bonté », c’est la grâce de pouvoir nous poser des questions, toutes les questions et effectivement, les paroles provocantes de Jésus, ses paraboles et ses gestes ne peuvent être abordés sans se poser mil questions.
Cet aliment spirituel qu’est le « corps du Christ » nous rappelle le sacrement de la Communion, mais ce rite n’est qu’un moyen pour nous aider à nous saisir de l’essentiel en Christ comme nourriture spirituelle, à nous l’approprier, à l’assimiler. L’essentiel est dans notre mentalité, le oui-je-le-veux de notre conscience, le « me voici » en réponse à l’amour de Dieu. Ce « oui » est un geste très individuel, c’est pourquoi il est utile que Paul insiste sur le fait que nous avons un seul Christ, un seul pain spirituel. Car alors, en choisissant le Christ comme nourriture spirituelle, cela a pour conséquence heureuse de nous rassembler en un seul corps, donc chacun est un précieux membre.
L’essence même de la prière consiste à boire à cette source qu’est Dieu et lui demander son Esprit (notre breuvage spirituel). Mais comment trouver cette source ? Paul nous dit que l’Esprit de vie coule d’un rocher mobile qui est le Christ ! Image assez surréaliste mais parlante : le rocher est une figure de Dieu comme la fondation solide sur laquelle repose notre vie. Christ nous donne le modèle d’une vie bâtie sur ce roc de la confiance en Dieu et de la source jaillissante de l’Esprit de Dieu, de sa Parole. Mais ce n’est pas un roc immobile : Christ est cheminement (Jean 14:6). Vivre, c’est évoluer. Être fidèle et vrai, c’est évoluer. Aimer, c’est évoluer en fonction de ceux que l’on aime. Ne pas baisser les bras, c’est avancer encore.
C’est à ce rocher mobile que nous buvons de larges goulées d’Esprit Saint. C’est pétillant.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre : paix pour nous tous, ses bien-aimés. »
Amen
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Le temps où Marie devait accoucher arriva, 7et elle mit au monde son fils premier-né. Elle l’emmaillota et l’installa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle. 8Il y avait, dans cette même région, des bergers qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. 9L’ange du Seigneur survint devant eux, et la gloire du Seigneur se mit à briller tout autour d’eux. Ils furent saisis d’une grande crainte. 10Mais l’ange leur dit : N’ayez pas peur, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : 11aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur… 52Jésus progressait en sagesse, en stature et en grâce auprès de Dieu et des humains.
Ignorez-vous que nous tous qui avons reçu le baptême de Jésus-Christ, c’est le baptême de sa mort que nous avons reçu ? 4Par ce baptême de la mort, nous avons donc été ensevelis avec lui afin que, tout comme le Christ s’est réveillé d’entre les morts, par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions sous le régime nouveau de la vie. 5En effet, si nous avons été assimilés à lui par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable.
Mes frères (et sœurs), je ne veux pas que vous l’ignoriez : nos aïeux ont tous été sous la nuée, ils sont tous passés au travers de la mer, 2 ils ont tous reçu le baptême de Moïse, dans la nuée et dans la mer, 3 ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle 4et ils ont tous bu le même breuvage spirituel – ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ…
15Je vous parle comme à des gens raisonnables ; jugez vous-mêmes de ce que je dis. 16La coupe de bénédiction, sur laquelle nous prononçons la bénédiction, n’est-ce pas une communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-ce pas une communion au corps du Christ ? 17Puisqu’il y a un seul pain, nous, la multitude, nous sommes un seul corps ; car nous partageons tous le même pain.