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Le désastre et l’espérance

de Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria

( Daniel 1 )

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 10 avril 2011
prédication du pasteur Marc Pernot

Le livre de Daniel s’ouvre sur une situation de désastre. Jérusalem est prise par le roi de Babylone. Le temple de Jérusalem est profané et les objets sacrés sont emportés par le roi de Babylone et pour servir ses propres dieux.

L’événement évoqué dans ce texte s'est passé en 606 avant Jésus-Christ. Si ce texte a été écrit, 400 ans environs après les événements, et si ce texte a été recopié de génération en génération pour le conserver dans les archives de l’humanité, ce n’est pas pour son intérêt historique, mais c'est à cause de son intérêt théologique, spirituel, existentiel. Il nous dit l'espérance que l'on peut avoir dans une situation de catastrophe quand, même le cœur de notre foi est pris, enlevé, éparpillé.

Ce texte commence par le récit de la défaite d’Israël. Mais ce texte a une portée universelle dans son interprétation. La Bible est écrite pour chacun de nous, et pour tous les peuples. Chacun peut s'approprier ce récit en se souvenant de ses propres défaites spirituelles, un moment où notre foi vacille, quand nous sommes désespérés, quand nous sommes aigri, en colère, déçu de tout… Quand les événements nous malmènent au point que nous avons l'impression d'être à bout de force. Ce texte parle de nous et nous montre que même dans une situation désespérée, il y a un trésor qui reste, ce trésor c’est un avenir, une espérance.

Même quand nous sommes au plus bas. Il y a un petit reste de vraie vie, un reste de noblesse, de foi, de sagesse, un avenir, une espérance nous dit le prophète. Ce trésor qui reste est un trésor d’humanité présenté sous la figure de 4 jeunes gens : Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria.

En Dieu, il y a une espérance en dépit de tout. Et cette espérance est déjà là, comme une résurrection déjà donnée en germe. C'est ce que nous raconte l'histoire de Daniel.

Les ennemis ont emporté une partie des ustensiles en or du Temple, nous dit le texte, mais il reste quelque chose qu'ils n'ont pas emporté de la richesse sacrée d'Israël. On ne nous dit pas quoi, peut-être une petite lampe en ferraille dans un coin du Temple, peu importe. Ce petit reste nous dit que même dans un désastre, il n’y a pas de profanation si grave qu’aucune prière ne soit possible. Même dévastée, il reste un petit bout de trésor dans le fond de notre temple intérieur qui nous permet, même modestement, de continuer à rendre un culte à notre Dieu. Ce petit reste, c’est parfois comme une simple Bible qui traîne dans un coin et que du regard, on accueille comme positive, ce petit reste cela peut être une pensée furtive faisant place pour Dieu, ou une habitude de prière quotidienne qui nous permet de commencer à rebondir.

Mais il a autre chose qui reste malgré le désastre, nous dit Daniel, quelque chose de plus précieux encore, et c'est de ce trésor-là que Dieu va pouvoir sauver le peuple tout entier. Cette richesse est humaine. Cette richesse est décrite ici comme 4 jeunes gens de race royale et noble, beaux, sages, sans défauts, intelligents et instruits, et en plus, leurs noms sont une magnifique confession de foi en l’amour de Dieu. Vous allez me dire : si c'est là-dessus que se fonde notre espérance... aucun peuple ne peut se réjouir d'avoir un seul homme parfait, alors encore moins quatre. Et bien si. Vous êtes ces 4 jeunes gens. Ou plutôt, il y a au fond de chacun de nous, quelque chose de cette humanité-là, il y a au plus profond de chacun de nous quelque chose qui est de l’ordre du Christ.

C’est cela que nous dit l’Évangile quand il nous dit que « Dieu nous justifie par grâce ».

D’abord, vous faites partie de la noblesse puisque le Roi véritable vous appelle « mon enfant bien-aimé ». Il est donc juste que nous rendions notre culte dans une chapelle royale. Mais je vous entends penser, d'accord donc pour mon rang de prince, mais pour ce qui est de la beauté parfaite, de l'intelligence et de la connaissance véritable, je suis loin du compte. C'est vrai. Si nous étions parfaits nous serions Dieu. Mais ce que veut dire ce texte, c'est que même quand nous sommes au plus bas, il reste en nous une part bonne et pleine de qualités et de jeunesse, il reste en nous quelque chose du petit garçon ou de la petite fille qui est impatient d’être grand. Il y a en nous, si nous y prêtons attention, une certaine sagesse, une petite voix de Dieu qui nous dit : voilà ce qui est juste et bon.

Ces 4 jeunes gens forment ensemble le germe d'humanité que même nos plus féroces Nabuchodonosor ne pourront éliminer tout à fait.

Ces 4 jeunes gens s'appellent Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria : ces 4 noms forment une confession de foi au Dieu unique :

Ces 4 noms se complètent si bien que l'on peut les lire comme une phrase complète, ce qui est évident quand le texte est compris en hébreu. Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria : Dieu est mon juge, cela pourrait être source de crainte, mais « Haanania » ce Dieu est l'Éternel, le Dieu d'amour et de pardon, le Dieu dont le nom est Miséricorde. Mon âme le cherche, mon être tout entier se demande « Mishaël » : Qui est vraiment Dieu ? Il est celui qui m'a donné la vie, il est « Azaria » l'Éternel qui m'a secouru, l’Éternel qui m’a déjà tiré du néant, il m’a déjà secouru, il tient donc à moi plus que tout et il me secourra encore. Il me gardera dans sa bonne main.

Cette théologie de l’amour de Dieu, ce n'est pas du tout celle du féroce Nabuchodonosor, chacun croit en ce qu'il veut. En renommant les 4 jeunes gens, ce texte nous présente une théologie concurrente :

L'espérance est tout autre, 3 dieux sont invoqués comme devant favoriser Nébo, c’est-à-dire la vie du roi de Babylone. Cette espérance est égoïste, les dieux n’existent que pour servir sa vie et ses ambitions. Cette espérance est égoïste, elle est illusoire aussi, puisque l'on peut toujours prier la Lune cela ne nous avancera pas, bien au contraire.

Les catastrophes ou le péché qui nous ont dévastés voudraient changer notre nom et orienter même notre être profond vers le gouffre, comme au service de ce qui a commencé à nous dévaster, pour  nous enfoncer encore plus profondément dans le désespoir, dans l’égoïsme, la maladie, la mort. Le mal tente de changer notre nom, notre identité. Dans le même sens, Nabucodonosor veut imposer sa propre nourriture à 4 jeunes gens, il veut ainsi les faire devenir ce qu’il est, il veut les former, il veut qu’ils soient en forme au sens où lui, il l’entend.

Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria vont ruser, temporiser, rester unis, et finalement ils garderont leur nourriture et leurs noms. Ils grandiront en sagesse et en force bien plus et bien autrement que ne le pensait Nabuchodonosor.

Il y a dans cette histoire quelques indications fondamentales pour s’ouvrir à l’espérance quand tout espoir serait perdu. Il y a là quelques indications pour résister à l’aliénation et aux diverses spirales descendantes.

Garder l’essentiel, repartir de cet essentiel. Ruser avec le mal, temporiser, le faire patienter encore un peu, et tenir bon. Tenir encore un jour, tenir les 10 jours d’essais, tenir ainsi les 3 ans de prison. Se regrouper autour de l’essentiel, cet essentiel qu’est la confiance dans l’amour et le secours de Dieu, tenir cet essentiel dans une démarche d’un bon nourrissement de notre être profond, quelque chose qui nourrit notre forme et notre sagesse, notre espérance et notre confiance en Dieu. Se souvenir du nom qui nous a été donné, un nom qui nous vient de cet amour que Dieu nous porte. Vous êtes vous, et vous êtes important. Vous êtes connus, reconnus, vous êtes porteur d’un nom propre. Vous êtes l’avenir, pas seulement votre avenir à vous, mais une part de l’avenir d’autres personnes, une part de l’espérance du monde.

Malgré les trésors perdus, l’exil, la prison, les désastres, hélas… dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés, nous dit l’apôtre Paul. Ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni celles à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu cet amour vraiment manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. (Romains 8:33-39)

S recentrer sur cette étincelle de foi en l’amour de Dieu. Il ne nous abandonne pas, même dans nos désespoirs de Gethsémanée, même quand la douleur de notre croix nous fait perdre confiance en tout et même en Dieu.

Daniel nous propose de faire vivre en nous cette foi de Daniel, Hanania, Mishaël et Azaria, de nourrir notre sagesse et notre espérance de ces 4 noms, en qu’ainsi nous fassions place au salut de Dieu en nous et dans l'humanité.

1) Daniel : « Dieu est mon juge ». Il est bon d'accepter que El, le Dieu créateur me regarde, m'évalue, me voit comme je suis. La 1e étape de ce cheminement est de se demander « Qui suis-je », un peu comme Socrate, mais en comptant sur Dieu pour qu'il me dise ce que je suis, en comptant sur lui pour qu’il fasse le tri en moi entre ce qui est tourné vers la vie et ce qui est   tourné vers la mort. Il est bon de compter sur Dieu comme juge, de compter sur lui pour éclairer notre regard sur les autres et sur la vie, contrairement à Adam et Ève qui prennent comme critère et comme dieu le désir de l’instant, et qui deviennnt, comme Nabuchodonosor des adorateurs de leur propre égoïsme.

2) Dieu est mon juge. Bonne nouvelle, se confiant ainsi en lui, la première chose que l'on apprend, c'est Hanania : « l'Éternel est miséricorde ». Dieu n'est pas un juge comme au tribunal ou à un examen, il est le Dieu de tendresse et de miséricorde qui voit en chacun ce qui est bon, même si ce n'était qu'un tout petit reste de rien du tout, car de cela qu'il fera germer le salut.

3) Ensuite, on peut se demander avec Mishaël : « Qui est Dieu ? » On pourrait se contenter d'une théologie faite par d'autres, mais même si elle était sublime, cela n'est pas suffisant. On pourrait se contenter de la foi qu'évoque la figure de Daniel ou de la grâce de Dieu qu'évoque Hanania, mais même cette connaissance ne suffit pas. Il est bon, nous dit Mishaël, de continuer à se poser des questions sur Dieu, de le rechercher, de ne pas croire le connaître encore. Il est le Vivant, on ne peut donc pas le fixer sans le transformer en idole. Notre foi, nous dit le Christ est un cheminement, pas un dogme, notre foi est une recherche fidèle.

Alors, après avoir placé notre confiance dans la sagesse de Dieu (avec Daniel), après avoir senti la miséricorde de l'Éternel (avec Hanania), après avoir creusé notre foi par la théologie et par la prière avec Mischaël, nous pourrons dire avec Azaria : l'Éternel m'a secouru. « Il nous tire de l'horreur du gouffre, de la vase et de la boue. Il nous fait reprendre pied sur le roc et il raffermit nos pas » (Psaume 40).

Amen.

 

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Lecture de la Bible

Daniel 1

La troisième année du règne de Jojakim, roi de Juda. Nabuchodonosor, roi de Babylone, marcha contre Jérusalem, et l’assiégea. 2 Le Seigneur livra entre ses mains Jojakim, roi de Juda, et une partie des ustensiles de la maison de Dieu.

Nabuchodonosor emporta les ustensiles au pays de Schinear, dans la maison de son dieu, il les mit dans la maison du trésor de son dieu.

3 Le roi donna l’ordre à Aschpenaz, chef de ses eunuques, d’amener quelques-uns des enfants d’Israël de race royale ou de famille noble, 4 de jeunes garçons sans défaut corporel, beaux de figure, doués de sagesse, d’intelligence et d’instruction, capables de servir dans le palais du roi, et à qui l’on enseignerait les lettres et la langue des Chaldéens. 5 Le roi assigna pour chaque jour une portion des mets de sa table et du vin dont il buvait, voulant les élever pendant trois années, au bout desquelles ils seraient au service du roi.

6 Il y avait parmi eux, d’entre les enfants de Juda :
Daniel, Hanania, Mischaël et Azaria.
7 Le chef des eunuques leur donna des noms :

8 Daniel résolut de ne pas se souiller par les mets du roi et par le vin dont le roi buvait, et il pria le chef des eunuques de ne pas l’obliger à se souiller. 9 Dieu fit trouver à Daniel faveur et grâce devant le chef des eunuques. 10 Le chef des eunuques dit à Daniel: Je crains mon seigneur le roi, qui a fixé ce que vous devez manger et boire; car pourquoi verrait-il votre visage plus abattu que celui des jeunes gens de votre âge? Vous exposeriez ma tête auprès du roi. 11 Alors Daniel dit à l’intendant à qui le chef des eunuques avait remis la surveillance de Daniel, de Hanania, de Mischaël et d’Azaria : 12 Éprouve tes serviteurs pendant dix jours, et qu’on nous donne des légumes à manger et de l’eau à boire; 13 tu regarderas ensuite notre visage et celui des jeunes gens qui mangent les mets du roi, et tu agiras avec tes serviteurs d’après ce que tu auras vu. 14 Il leur accorda ce qu’ils demandaient, et les éprouva pendant dix jours. 15 Au bout de dix jours, ils avaient meilleur visage et plus d’embonpoint que tous les jeunes gens qui mangeaient les mets du roi. 16 L’intendant emportait les mets et le vin qui leur étaient destinés, et il leur donnait des légumes.

17 Dieu accorda à ces quatre jeunes gens de la science, de l’intelligence dans toutes les lettres, et de la sagesse; et Daniel expliquait toutes les visions et tous les songes. 18 Au terme fixé par le roi pour qu’on les lui amène, le chef des eunuques les présenta à Nabuchodonosor. 19 Le roi s’entretint avec eux; et, parmi tous ces jeunes gens, il ne s’en trouva aucun comme Daniel, Hanania, Mischaël et Azaria. Ils furent donc admis au service du roi. 20 Sur tous les sujets qui réclamaient de la sagesse et de l’intelligence, et sur lesquels le roi les interrogeait, il les trouvait dix fois supérieurs à tous les magiciens et astrologues qui étaient dans tout son royaume.

21 Ainsi fut Daniel jusqu’à la première année du roi Cyrus.

 

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 11:24)

(début de la prédication à 11:24)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot