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célébration œcuménique à l’église Saint_Paul, Cologny,
le samedi 25 janvier2025,
prédication du pasteur Marc Pernot
Saul, le futur Paul, n’était pas une mauvaise personne. Ce n’est pas une excuse mais s’il persécute les autres c’est en croyant bien faire, par conviction sincère et engagée de faire la volonté de Dieu. Il a encore d’autres qualités : il est à la fois formé en philosophie grecque et en interprétation biblique, cette double compétence est fort précieuse et lui permet d’avoir un esprit ouvert. Le voilà pourtant persécutant les autres. Dans cet épisode, il change et va mettre ses talents au service de la vie et non de la mort. Il est intéressant de nous pencher sur ce qui le faisait pencher vers le mal et comment il a été guéri, car cela peut nous aider à progresser.
La première chose que nous remarquons dans cette conversion de Paul c’est que Dieu est à l’initiative. Cela ne veut pas dire que l’homme n’y est pour rien. Saul avait une ouverture, une recherche, et il avait une sensibilité au spirituel. C’est par cette faculté que Dieu touche Saul ; une autre personne pourra être touchée autrement. Dieu a bien des façons de frapper à notre porte : par chacune de nos excellentes facultés que sont notre cerveau (notre réflexion personnelle), nos tripes (notre compassion), nos sens (l’émerveillement) et notre spiritualité. Dieu fait ce qu’il peut selon notre sensibilité, il a de la ressource et de la patience. Heureusement pour nous.
La seconde chose que l’on remarque, c’est comment « marche » le salut de Dieu. C’est au-delà du pardon. Saul persécute ardemment des enfants de Dieu, ne manifestant ni remord, ni repentance. Dieu, comme le dit Jésus, aime même son ennemi, il aime la personne, même quand ses actes et sa foi lui feraient horreur. Dieu prend soin de Saul comme un urgentiste se précipite pour soigner. La question pour le médecin n’est pas de pardonner ou non la personne. Pour Dieu non plus. Dieu est au-delà du pardon car il aime chacun de ses enfants et travaille sans cesse pour qu’il se porte mieux.
Par conséquent pour nous : la question n’est pas d’obtenir le pardon de Dieu, la question est de recevoir les soins salutaires que Dieu nous donne par amour.
La rage meurtrière de Saul est un symptôme inquiétant. Pour chercher ce qui ne va pas chez lui et qui a provoqué cela, nous avons ce dialogue entre Dieu et lui, Paul en parle à plusieurs reprises, il précise une fois que la voix parlait « en langue hébraïque »(Actes 36:14), cela nous invite à regarder ce que cela change de l’entendre en hébreu plutôt qu’en grec. En hébreu, la phrase décisive « Je suis Jésus que tu persécutes » a effectivement ce sens, et elle peut aussi se lire autrement, car le nom de Jésus, « Yeho-Shouah », signifie littéralement en hébreu « le salut du Seigneur » ; et le verbe « persécuter » signifie aussi «rechercher». Cette phrase peut donc se lire « Moi je suis le salut du Seigneur que tu recherche ». Saul recherche ardemment le salut de Dieu et cela le conduit à persécuter le Christ et ses disciples. C’est le premier gros problème de Saul : il est mû par la recherche de son salut personnel, ce qui est encore de l’égocentrisme. Le Christ, lui, est mû par une visée diamétralement opposée : par le salut des autres, et c’est pourquoi il se fait serviteur, par grâce, et non pour « chercher son propre salut », bien sûr, puisque Jésus, lui, sait que Dieu est pure grâce.
Le second problème de Saul, c’est qu’il est tellement certain que sa pensée sur Dieu et sur sa volonté est la Vérité (avec un grand V) qu’il pense travailler pour Dieu en excluant, luttant contre ceux qui ne disent pas « Dieu » comme lui. C’est la racine de toute guerre de religion.
Paul va changer grâce à une expérience directe de Dieu. Cela le conduit à s’interroger ainsi : « Qui es-tu Seigneur ? », Qui es-tu vraiment ? il est troublé, il en tombe à la renverse : sa conception de Dieu vacille, il découvre que Dieu est infiniment plus que toute idée de Dieu, aussi raffinée soit-elle.
C’est plutôt ses certitudes anciennes qui tombent à terre car Saul, lui, « est relevé de terre ». Contrairement à la traduction, le verbe est au passif, c’est-à-dire que c’est Dieu qui le relève, littéralement le « ressuscite » et c’est Dieu qui lui « ouvre les yeux ». Et que voit-il alors ? Il voit « rien », nous dit le texte. Nous touchons là à un point essentiel. Dans son sermon 71, le fameux Maître Eckhart (dominicain du XIVe siècle) donne ce commentaire : « Paul fut relevé de terre, et ses yeux ayant été ouverts, il vit… rien, il vit le néant, et ce néant était Dieu ! » Cette étonnante conclusion résume un point essentiel de la pensée de ce très fin théologien et mystique qu’est Eckhart. C’est aussi ce que dit Paul dans une allusion à son expérience spirituelle, il dit qu’il « fut enlevé au ciel et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme d'énoncer. » (2 Corinthiens 12:4) Dieu est au-delà de toute parole sur Dieu.
C’est ainsi que Paul est relevé, ressuscité, converti par Dieu. Il continuera à faire de la théologie, bien sûr, car essayer de dire quelque chose sur Dieu est utile pour le penser, pour en témoigner, pour débattre avec d’autres. Pour cela nous avons besoin du langage. Mais quand on sait que Dieu est au-delà de toute parole sur lui, cela donne de rester ouvert à ce qui pourrait survenir venant de Dieu afin de convertir encore notre théologie. Cela rend possible aussi de discuter d’une façon enrichissante avec l’autre qui dit son expérience de Dieu différemment.
Que Dieu nous donne cette soif de le chercher encore, qu’il nous donne un amour pour lui tel qu’il renonce à le réduire, à l’enfermer dans notre point-de vue.
Amen
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Saul était toujours animé d’une rage meurtrière contre les disciples du Seigneur. Il alla trouver le grand prêtre 2et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s’il trouvait des hommes et des femmes qui suivaient le Chemin du Seigneur, il les amène enchaînés à Jérusalem. 3Comme il était en route et approchait de Damas, soudain une lumière venant du ciel l’enveloppa de sa clarté. 4Il fut précipité à terre ; il entendit une voix qui lui disait : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? »
5Il demanda : « Qui es-tu, Seigneur ? »
La voix répondit : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes.
6Relève-toi et entre dans la ville : on te dira ce que tu dois faire. »
7Ses compagnons de route s’étaient arrêtés, muets de stupeur : ils entendaient la voix, mais ils ne voyaient personne.
8Saul se releva de terre et, bien qu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. Ils le prirent par la main pour le faire entrer à Damas.