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Du mangeur est sorti le mangé,
du violent est sorti le doux
(L'énigme de Samson)

( Juges 13:1-5,24-14:19 )

Culte , le 28 octobre 2007
par le pasteur Marc Pernot

Par bien des côtés, cette histoire est choquante, invraisemblable et incompréhensible. Elle nous choque quand elle dit que l'Esprit de Dieu envoie Samson tuer trente personnes juste pour prendre leurs chemises. Cette histoire est invraisemblable quand elle nous dit qu'un homme peut déchirer un lion à main nue et que des abeilles peuvent s'installer dans une charogne pour y faire du miel en quelques jours. Et cette histoire est incompréhensible car on ne voit pas trop comment adapter à notre propre existence ces aventures trop étranges et extraordinaires. Nous sommes donc face à une énigme, nous-mêmes. Il va falloir nous creuser la tête pour trouver une solution. Car il y en a certainement une, les textes de la Bible ayant été écrit et sélectionné comme particulièrement utiles pour nourrir la foi et la réflexion des fidèles de génération en génération.

Le contexte de cette histoire de Samson est rappelé au début de l'histoire : Les enfants d'Israël font ce qui déplaît à l'Éternel, et, du coup, ils sont maltraités par les Philistins (13:1). Cette déroute nous concerne au moins un peu, à travers nos faiblesses morales, spirituelles et existentielles. Cela concerne chaque personne, chaque famille, chaque église ou association, mais aussi l'humanité tout entière qui a bien besoin de progresser dans ces domaines. Car effectivement une progression que laisse supposer la Bible chaque fois qu'il est évoqué, comme ici, une période de 40 années, ou de 40 jours. C'est un temps de gestation, un temps pour que quelque chose de neuf et de bon puisse naître en nous.

Samson est un homme donné par Dieu pour commencer à sauver Israël (13:5). Il est donné miraculeusement. Là encore, chacun de nous peut se reconnaître et reconnaître l'autre ici. Chacun de nous est un miracle incroyable, ne serait-ce que sur le plan physique, comme ensemble d'atomes assemblés en un être humain, mais également sur le plan de la personnalité, de la culture.

Peut-être que nous nous reconnaissons moins dans la force prodigieuse de Samson. Nous aurions tort. Ce Samson existe en nous-mêmes, ou peut exister, ou doit exister puisqu'en Christ nous est promis l'Esprit Saint qui fait de Samson un héros (13:24). Comme Samson, nous avons ainsi, même si nous ne le savons pas, une force prodigieuse, celle de commencer à sauver comme il est dit ici.

Pourtant, les premières actions de Samson semblent être plutôt une faute bien dans la lignée de celles de ses contemporains. Il nous est dit que Samson descend, c'est sa première action et ce verbe est lourd de sous-entendus, la seconde est de se choisir une femme parmi les Philistins. Ce n'est pas par xénophobie que c'était interdit, mais dans la Bible le Philistin est synonyme de péché et de violence. Ces interdits concernant les relations avec les Philistins nous invitent simplement à ne pas nous compromettre dans des horreurs morales ou spirituelles, mais à rechercher à vivre en cohérence avec le Créateur.

Les parents de Samson ont donc raison. Ça ne se fait pas de se lier avec les Philistins. Et pourtant, nous dit le texte, cela venait de l'Éternel ! (14:4) Samson s'est donc laissé guider par Dieu sur des chemins considérés comme interdits par la religion établie. La réforme a été un retour à cette liberté du chrétien, basée sur le fait que chacun est individuellement prophète en Christ, appelé à des actes qui sont par définition nouveaux, hardis. Jésus était un homme libre pour faire le bien selon Dieu, même si cela emprunte des chemins nouveaux, parfois choquants pour certains. Et Jésus a, lui aussi, accepté de descendre jusqu'à nous, il a été, lui aussi, accusé de pactiser avec les pécheurs, et comme Samson est trahit par sa femme Philistinne, le Christ est chaque jour trahi quand nous profitons de sa bonté pour prendre une place qui n'appartient qu'à lui.

Samson est donc en chemin, un jeune lion surgit de nulle part, Samson le déchire simplement en deux comme une feuille de papier. C'est le 2e apport de Dieu dans cette histoire, après avoir inspiré à Samson des solutions inédites, il lui donne une force surhumaine.

Là encore, il nous est facile de nous reconnaître dans cet épisode, ce lion rugissant évoque le mal et les épreuves qui nous tombent dessus, soit par hasard, soit comme conséquence du mal. Et la force de Samson évoque ce secours bien réel que Dieu nous donne pour faire face à ces épreuves terribles. Ce secours vient effectivement, comme ici, non pas d'une légion d'anges qui combattrait à notre place et supprimerait toute difficulté de notre vie, mais le secours de Dieu nous est proposé comme un supplément de force et d'idées qui nous rendent capables d'être victorieux du mal qui était sur le point de nous dévorer.

Samson poursuit sa route, ce qui est une bonne idée après avoir affronté une difficulté. Il ne campe pas sur le lieu de la difficulté vaincue, mais il y repasse plutôt quelque temps après pour voir où en sont les choses. C'est alors qu'il a la surprise d'y découvrir des abeilles et du miel. C'est le troisième miracle de cette histoire car ce n'est pas du tout dans les habitudes des abeilles de s'installer dans le cadavre d'un animal, et ce serait incroyable qu'elles puissent construire des rayons et faire du miel en quelques jours, comme le dit littéralement le texte.

Ce miracle nous concerne très concrètement. Avec Dieu, ce qui allait nous dévorer peut devenir, après peu de temps, quelque chose qui nous nourrit et même qui nous réjouit par sa douceur.

Cette lecture symbolique du lion mort qui devient une ruche pleine de miel est d'autant plus facile à faire que les mots utilisés ici invitent clairement le lecteur à faire une telle lecture :

Cet essaim d'abeilles évoque donc une communauté de paroles. Et le miracle c'est que cette source de douceur apparaît miraculeusement dans ce qui était avant l'image même du mal et de la férocité.

Cette histoire évoque donc clairement, pour le lecteur hébreu ce que pourrait être la communauté d'Israël, grâce à Dieu. Ce salut se manifeste vraiment en Christ pour l'humanité entière, dans cette communauté de Parole qu'il a créée, libérant la personne humaine des carcans des dogmes et des règles pour être plutôt une communauté de paroles, une communauté fondée par la Parole créatrice de Dieu, une communauté ou la parole de chacun a sa place, même celle du plus humble.

Cette conversion du lion dévorant en essaim d'abeilles ne se fait pas une fois pour toute, mais en nous réformant sans cesse, en recyclant nos lieux de férocité en source de nourriture et de douceur par le pouvoir miraculeux de la Parole vivante de Dieu.

La victoire de Samson sur le lion est un signe encourageant pour lui. Cela le met en confiance avec une toute petite chose comme de déchirer un lion en deux (quel bonheur chaque fois que nous pouvons progresser nous-mêmes d'un pas). Le don de ces miraculeuses abeilles lui montre aussi que Dieu l'accompagne et intervient aussi pour transformer sa victoire en une source de douceur et de vie. Mais cet épisode est aussi un rappel symbolique de la vocation d'Israël et du croyant, qui doit vaincre ces terribles et vrais ennemis que sont ses propres erreurs pour devenir enfin une communauté de Parole donnant son miel à ceux qui passent. Voilà le salut de Dieu et notre vocation.

Cette lecture symbolique à laquelle nous sommes invités par le texte lui-même nous permet de nous réconcilier avec les horreurs qui sont dans une lecture littérale de cette histoire. Quand Samson massacre un Philistin, c'est une horreur si l'on prend cela au sens littéral car la perte d'un seul homme, quel qu'il soit, est un scandale infini. Mais dans la Bible, le Philistin, comme le lion, évoquent la sauvagerie brute coupée de Dieu, il faut donc traduire massacre de philistin par suppression d'un peu de mal, de haine, de violence. Il y a du Philistin en chaque homme vivant en ce monde. Il y a aussi un Samson, source de commencement d'un salut que Dieu donne.

Une communauté de Parole, voilà ce que chacun de nous reçoit miraculeusement quand, par la force de l'Esprit, nous avons la force d'ouvrir en deux le lion rugissant que nous sommes par certains côtés, et se laisse habiter par la Parole vivante que le Christ incarne.

Nos familles, nos églises, et l'humanité gagneraient à être des communautés de paroles produisant du miel plutôt que des lions dévorants. Mais il faut des miracles pour cela, celui d'une force, d'une liberté et d'une vie qui viennent du créateur.

Le salut que Dieu donne en Jésus-Christ est de cet ordre, il n'est pas seulement une sagesse, il n'est pas un dressage qui nous amputerait de notre férocité, il est un miracle qui traverse cette férocité, qui la transforme en soif de dialogue, d'ouverture à la Parole de Dieu et aux paroles de nos frères et sœurs en humanité.

Alors ce qui dévorait devient nourriture, ce qui était violence devient douceur. Alors les lieux même des conflits internes et externes deviennent des sources de vie, cette ruche miraculeuse qu'est une communauté de paroles.

Samson recueille alors le miel, ce qui n'est pas simple non plus. Le texte nous dit littéralement qu'il domine le miel de ses mains. Essayez donc de prendre le miel d'un essaim sauvage ! La Parole de Dieu n'est pas une sorte de bonbon sucré que l'on ramasse sans effort, elle est souvent dérangeante, elle surgit dans un combat avec elle et dans un débat avec les autres avant de donner accès à sa nourriture et à sa douceur. Et après avoir attrapé un rayon de miel, il vaut mieux ne pas le manger tel quel, il faut séparer le miel de la cire. C'est la même chose avec la Bible, il faut gratter et presser ce que l'on a pris pour distinguer le contenant du contenu, et ne manger que le miel. C'est bien meilleur.

Samson se nourrit du miel comme nous le faisons ce matin en dégustant le fruit de cette communauté de parole qu'est la Bible et son étude depuis 100 générations, dans l'espérance d'une Parole de Dieu pour nous. Samson mange ce miel tout en avançant sur sa route, nous précise le texte, ce qui est bien dans cette réalité essentielle que la Parole de Dieu est une nourriture pour faire avancer.

Samson porte ensuite de ce miel à ses parents comme nous portons l'Évangile à nos proches. Il va ensuite jusqu'à porter son témoignage aux Philistins, comme le Christ donne l'Évangile à tous, à commencer par les pécheurs, bien entendu. Samson leur donne ce miel sous la forme d'une énigme, ce qui était fréquent comme mode d'enseignement, comme ces paraboles que Jésus aimait bien pour donner à réfléchir et faire avancer. Du mangeur est sorti ce qui se mange, et du violent est sorti le doux. L'énigme de Samson les invitait à sortir de leur violence pour se tourner vers la douceur, elle les invitait à devenir une source de nourriture plutôt que de dévorer les autres.

Les Philistins ne trouvent pas la solution, sans doute était-ce impossible à trouver sans un de ces miracles qui seul permet l'Esprit de Dieu, en tout cas les Philistins persévèreront malheureusement dans leur méchanceté en trouvant la solution par des menaces de mort et par la tromperie. Cela ne va pas leur réussir. Ils sont tout contents de gagner ainsi trente chemises alors qu'ils payent cela de la mort de trente des leurs. Ce qu'ils gagnent en avoir, ils le payent de leur être, de leur vie.

Pour gagner et repartir vraiment enrichis il fallait qu'ils réfléchissent un petit peu, qu'ils aient peut-être l'humilité de demander de l'aide à Samson ou à Dieu, c'est-à-dire qu'ils acceptent de descendre de leur force orgueilleuse, qu'ils acceptent l'idée que leur méchanceté soit déchirée, soit ouverte pour accueillir une communauté de paroles, ou tout simplement, comme les parents de Samson, la Parole de Dieu qui fait naître en eux un commencement de salut.

Que Dieu nous donne de nous convertir, de nous réformer ainsi sans cesse toujours plus.

Amen.

 

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Lecture de la Bible

Juges 13:1-5,24-14:19

Les enfants d’Israël firent encore ce qui déplaît à l’Eternel; et l’Eternel les livra entre les mains des Philistins, pendant quarante ans. 2 Il y avait un homme de Tsorea, de la famille des Danites, et qui s’appelait Manoach. Sa femme était stérile, et n’enfantait pas. 3 L’ange de l’Eternel apparut à la femme, et lui dit: Voici, tu es stérile, et tu n’as point d’enfants; tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils. 4 Maintenant prends bien garde, ne bois ni vin ni liqueur forte, et ne mange rien d’impur. 5 Car tu vas devenir enceinte et tu enfanteras un fils. Le rasoir ne passera point sur sa tête, parce que cet enfant sera consacré à Dieu dès le ventre de sa mère; et ce sera lui qui commencera à délivrer Israël de la main des Philistins...

24 La femme enfanta un fils, et lui donna le nom de Samson. L’enfant grandit, et l’Eternel le bénit. 25 Et l’Esprit de l’Eternel commença à l’agiter à Machané-Dan, entre Tsorea et Eschthaol. 1 Samson descendit à Thimna, et il y vit une femme parmi les filles des Philistins. 2 Lorsqu’il fut remonté, il le déclara à son père et à sa mère, et dit: J’ai vu à Thimna une femme parmi les filles des Philistins; prenez-la maintenant pour ma femme. 3 Son père et sa mère lui dirent: N’y a-t-il point de femme parmi les filles de tes frères et dans tout notre peuple, que tu ailles prendre une femme chez les Philistins, qui sont incirconcis? Et Samson dit à son père: Prends-la pour moi, car elle me plaît. 4 Son père et sa mère ne savaient pas que cela venait de l’Eternel: car Samson cherchait une occasion de dispute de la part des Philistins. En ce temps-là, les Philistins dominaient sur Israël. 5 Samson descendit avec son père et sa mère à Thimna. Lorsqu’ils arrivèrent aux vignes de Thimna, voici, un jeune lion rugissant vint à sa rencontre. 6 L’Esprit de l’Eternel saisit Samson; et, sans avoir rien à la main, Samson déchira le lion comme on déchire un chevreau. Il ne dit point à son père et à sa mère ce qu’il avait fait. 7 Il descendit et parla à la femme, et elle lui plut. 8 Quelque temps après, il se rendit de nouveau à Thimna pour la prendre, et se détourna pour voir le cadavre du lion. Et voici, il y avait un essaim d’abeilles et du miel dans le corps du lion. 9 Il prit entre ses mains le miel, dont il mangea pendant la route; et lorsqu’il fut arrivé près de son père et de sa mère, il leur en donna, et ils en mangèrent. Mais il ne leur dit pas qu’il avait pris ce miel dans le corps du lion. 10 Le père de Samson descendit chez la femme. Et là, Samson fit un festin, car c’était la coutume des jeunes gens. 11 Dès qu’on le vit, on invita trente compagnons qui se tinrent avec lui. 12 Samson leur dit: Je vais vous proposer une énigme. Si vous me l’expliquez pendant les sept jours du festin, et si vous la découvrez, je vous donnerai trente chemises et trente vêtements de rechange. 13 Mais si vous ne pouvez pas me l’expliquer, ce sera vous qui me donnerez trente chemises et trente vêtements de rechange. Ils lui dirent: Propose ton énigme, et nous l’écouterons. 14 Et il leur dit: De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux. Pendant trois jours, ils ne purent expliquer l’énigme. 15 Le septième jour, ils dirent à la femme de Samson: Persuade ton mari de nous expliquer l’énigme; sinon, nous te brûlerons, toi et la maison de ton père. C’est pour nous dépouiller que vous nous avez invités, n’est-ce pas? 16 La femme de Samson pleurait auprès de lui, et disait: Tu n’as pour moi que de la haine, et tu ne m’aimes pas; tu as proposé une énigme aux enfants de mon peuple, et tu ne me l’as point expliquée! Et il lui répondait: Je ne l’ai expliqué ni à mon père ni à ma mère; est-ce à toi que je l’expliquerais? 17 Elle pleura auprès de lui pendant les sept jours que dura leur festin; et le septième jour, il la lui expliqua, car elle le tourmentait. Et elle donna l’explication de l’énigme aux enfants de son peuple. 18 Les gens de la ville dirent à Samson le septième jour, avant le coucher du soleil: Quoi de plus doux que le miel, et quoi de plus fort que le lion? Et il leur dit: Si vous n’aviez pas labouré avec ma génisse, vous n’auriez pas découvert mon énigme. 19 L’Esprit de l’Eternel le saisit, et il descendit à Askalon. Il y tua trente hommes, prit leurs dépouilles, et donna les vêtements de rechange à ceux qui avaient expliqué l’énigme. Il était enflammé de colère, et il monta à la maison de son père.