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Jésus montre la foi d'un païen (un centurion) en exemple

(Matthieu 8:5-13)

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Dimanche 8 mai 2022
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot

Jésus montre la foi d'un centurion romain en exemple. C’est quand même une chose étonnante qui manifeste une ouverture d’esprit extrême. Surtout que Jésus ne dit pas que ce païen a une belle foi « lui aussi », une foi alternative qui a une certaine valeur. Jésus dit que la foi du centurion est championne du monde, dépassant celle de tous les juifs qu’il a rencontrés.

Qu'est-ce que cette foi du centurion a de si remarquable ? Qu'est-ce que Jésus entend donc par « la foi » ?

La foi ?

Ce n’est manifestement pas une question de croyances, puisqu’un centurion n’aurait certainement pas eu 1/6 à un contrôle de connaissance en théologie chrétienne. D’abord parce qu’en tant que soldat romain il devait rendre un culte à César comme à un dieu. Ce n’est vraiment pas kasher. Le centurion n’avait probablement pas non plus une grande connaissance de la Bible, et il est vraisemblable que les juifs ne devaient pas avoir partagé avec cet envahisseur leur espérance de trouver le Messie, le Christ qui sauverait Israël...

La foi championne du monde selon Jésus n’est donc pas l’appartenance à une religion, ni l’adhésion à une doctrine. Il n’est pas non plus dit que ce centurion aurait une profondeur de prière extraordinaire, ni une pratique religieuse quelconque, ni qu’il ait reçu le baptême.

Cette foi championne du monde n’est pas non plus remarquable par sa confiance en Jésus comme faiseur de miracle, ce serait très banal : des foules entières se déplaçaient pour amener à Jésus leurs proches en espérant qu’il fasse un miracle de guérison. Et cela exaspérait Jésus car cela perturbait son ministère qui est avant tout spirituel, cherchant à ce que chaque personne puisse avoir une relation de confiance avec Dieu.

Quelle est cette foi du centurion ? Jésus ne dit pas que le centurion croit en quelque chose, ni qu’il a foi en lui, ni qu’il a foi en sa parole. Jésus dit simplement qu’une foi habite cet homme. Ce centurion n’a donc rien de ce qui est habituellement associé à la foi aujourd’hui. La religion, la théologie, la prière, la lecture de la Bible sont des moyens permettant de travailler notre foi, ce ne sont que des moyens, la foi est d’un autre ordre.

La foi est une qualité de l’être et de son mouvement.

C’est une grande nouvelle pour nous, et une libération par rapport à ces anciennes façons de considérer la foi, elles avaient tendance à nous enfermer dans une obéissance. Parfois même dans la crainte. Réduisant notre être.

Qu’est-ce qui épate Jésus dans la foi du centurion ?

Il est écrit, au verset 10, que « Jésus, en l’entendant, fut plein d’admiration » devant sa foi championne du monde. Cela nous amène à regarder ce que le centurion vient de dire : « moi, je suis soumis à une autorité avec des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un : “Va” et il va, à un autre : “Viens” et il vient, et à mon esclave : “Fais ceci” et il le fait. »

Qu’est-ce que cela nous apprend sur la façon d’être de ce centurion ? D’abord qu’il nous place dans une communauté humaine avec des interactions entre les personnes, amenant à des mouvements et des actes. C’est déjà un point intéressant. La foi n’est pas simplement une qualité comme celle d’un bel objet :

La foi est une interaction et une mise en mouvement.

Ensuite, nous remarquons que ce centurion parle de hiérarchie, d’autorité et d’obéissance. Vous allez me dire que c’est normal pour un officier. Sauf que précisément c’est ici l’inverse car la hiérarchie suivie par le centurion est complètement troublée. Le centurion se met totalement au service de son serviteur, c’est comme marcher sur la tête du point de vue de la société. Ensuite, le centurion reconnaît Jésus comme son seigneur et en même temps il n’hésite pas à lui donner cet ordre : « dis une parole ! », c’est bel et bien un impératif, un « fais cela » que Jésus va d’ailleurs faire.

Pourtant, la foi remarquable du centurion est caractérisée par une hiérarchie appelant à une obéissance à une autorité. C’est étrange car cela ne cadre pas trop avec l’attitude si libre de Jésus vis à vis des règles et des autorités. Quelle est donc cette hiérarchie qui, dans cette histoire, pousse le centurion à obéir et à donner des ordres ? C’est l’impératif impérieux de rendre la vie plus vivante et bonne. De faire émerger coûte que coûte la vie, particulièrement dans la situation de l’enfant que le centurion veut aider : quand quelqu’un est à terre, ou enfermé, ou paralysé, ou souffrant.

Cet impératif s’affranchit de tout autre hiérarchie. Il n’était pas correct qu’un centurion se mette au service d’un esclave. Il n’était pas correct pour un vainqueur de supplier un vaincu en le reconnaissant comme son seigneur, il n’était pas correct pour un juif d’aller chez un païen, ni pour le messie d’Israël de visiter la maison d’un idolâtre. Et pourtant : le centurion a entendu le besoin de vivre du jeune esclave comme un ordre impérieux pour lui, comme une vocation personnelle qui lui dit : « va, toi, et agis ». D’où vient cette vocation ? De ses tripes et de son bon cœur, pourrait-on dire. De Dieu, diraient d’autres. C’est à la fois les deux :

Car la foi, c’est précisément quand Dieu, le créateur de la vie, nous prend aux tripes.

« Va ! », lui dit sa foi. Où aller ? Le centurion avait écouté des hommes qui parlaient d’un rabbi un peu hérétique, un peu sorcier qui passait par la ville. Le centurion fait le lien entre sa mission et cette information, et cela devient pour lui un ordre « viens ! » comme venant de Jésus.

La foi est une intelligence hardie et libre, source de connexions novatrices, saisissant au vol l’occasion divine, le kairos (comme le dit l’apôtre Paul, en philosophe).

Certains parlent de souffle prophétique. C’est effectivement cela, car si Dieu nous parle au cœur, il éclaire aussi notre intelligence de la vie, nous permettant de discerner par nous-même quel est le temps présent.

La rencontre se fait. Jésus, lui aussi, entend la situation comme un ordre supérieur qui l’envoie en mission pour augmenter, pour ressusciter la vie : il répond « Moi, j’irai ». Le centurion n’avait pourtant exprimé aucune demande. C’est donc bien à une autre voix que Jésus obéit alors, celle de Dieu, celle de la source de la vie qui appelle à développer la vie : voix qu’il a entendue lui aussi quand il apprend la situation du serviteur.

Le centurion est alors pris dans un curieux paradoxe : il se sait porteur d’un impératif qui l’autorise à donner un ordre à ce divin rabbi, tout en sachant que ce serait plutôt à celui-ci de lui donner des ordres.

La foi est une audace devant Dieu, sans pour autant se prendre soi-même pour Dieu. C’est ce que permet la confiance. La foi est cette confiance.

Le centurion donne cet ordre à Jésus : « Dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri ». Jésus va s’exécuter : il répond un mot, et ce mot est un ordre en retour : c’est « Va ! ». Cela fait écho au « Va ! » que Dieu donne à Abraham le bénissant et lui annonçant qu’il sera bénédiction. Ce « Va ! » fait du centurion un christ à la place du Christ qui n’a plus besoin d’y aller lui-même.

La foi est une disponibilité à se mettre en route vers un nous-même augmenté, capable de prodigieuses bénédictions en faveur de ceux que nous voulons aider.

Voilà, me semble-t-il quelques caractéristiques de la foi que Jésus nous montre ici en exemple, nous permettant d’entrevoir ce que Jésus entend par cette qualité d’être qu’est la foi.

La dimension de la foi

La seconde nouvelle que nous pouvons relever dans ce que Jésus dit ici, c’est que l’on peut avoir une plus ou moins grande ou petite foi. L’alternative n’est pas d’avoir la foi ou de ne pas l’avoir. C’est une vision trop tranchée de l’humain. Trop binaire.

Si Jésus nous montre en exemple la grande foi de ce centurion, c’est afin de nous inviter à nous-même grandir dans la foi, grâce à l’histoire de ce centurion.

Cette histoire peut nous y aider, en la lisant au sens spirituel.

Jésus entre dans Capharnaüm. Il est là, dans ce village qui est celui du centurion. Personne n’a appelé Jésus. Sa visite est pure grâce. C’est pour nous comme quand l’Esprit-Saint nous visite, ce qui arrive bien plus souvent que nous l’imaginons. Dieu est comme cela : il passe. Et il repasse, heureusement.

Le centurion, lui, s’approche de Jésus qui passe et le supplie. C’est la première chose que nous pouvons faire pour augmenter notre foi. C’est être attentif à un petit souffle de foi qui nous vient, l’attraper au vol, si je puis dire, et chercher à l’activer.

Il y a, en grec, bien des verbes pour dire que l’on demande quelque chose à quelqu’un, le verbe parakaleo qui est utilisé ici signifie à la fois demander et consoler. C’est ce verbe qui a donné le nom de « consolateur », paraklet à l’Esprit Saint en nous. C’est le même mot, mais en hébreu (naüm), qui donne son nom à Capharnaüm : le village de la consolation.

Il nous faut « consoler » le Christ en nous, le renforcer, l’activer dans notre être, l’encourager, lui donner un nouvel élan. Si notre foi était petite, elle était comme ce jeune serviteur du centurion : un peu endormie, peut-être, peinant à sortir et à se mettre en route, comme paralysée et souffrante ?

Une petite foi, mais qui existe. Une petite foi qui permet de saisir le souffle de Dieu qui passe en nous et de lui demander, de lui donner l’ordre de grandir notre foi, de la mettre en forme, active et bienfaisante.

Bien sûr que Dieu nous obéira. Nous pouvons lui faire confiance. Il exauce notre foi, même toute petite.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

Texte Biblique

Matthieu 8:5-13

5 Alors que Jésus entrait dans Capharnaüm, un centurion s’approcha de lui en le suppliant 6en ces termes : « Seigneur, mon serviteur (ou mon enfant) est couché à la maison, paralysé et terriblement souffrant. »

7 Jésus lui dit : « Moi, en allant je le guérirai. »

8 Le centurion lui répondit : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit : dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri. 9Ainsi moi, je suis soumis à une autorité avec des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un : “Va” et il va, à un autre : “Viens” et il vient, et à mon esclave : “Fais ceci” et il le fait. »

10 En l’entendant, Jésus fut plein d’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « Amen, je vous le dis, chez personne en Israël je n’ai trouvé une aussi grande foi. 11Et je vous le dis, beaucoup viendront du levant et du couchant et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux, 12tandis que les fils du Royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors où seront le pleur et le grincement de dents. »

13 Et Jésus dit au centurion : « Va ! Qu’il advienne selon ta foi. » Et son serviteur fut guéri à cette heure-là.