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« Il y a en vous quelqu’un que vous ne connaissez pas,
et qui vient. »

(Jean 1:19-34)

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Le dimanche 15 janvier 2023
au temple de Chêne
prédication du pasteur Marc Pernot

Avant de présenter Jésus, Jean-Baptiste cherche à éveiller la curiosité de ses auditeurs, c’est un bon communiquant. Il dit alors cette phrase qui a attiré mon attention : « Il y a parmi vous une personne que vous ne connaissez pas, et qui vient... » (Jean 1:26)

Jean Baptiste parle de son cousin, Jésus, alors que celui-ci était encore un artisan charpentier venu de l’autre bout du pays, avant qu’il se reconvertisse en prédicateur itinérant. Seulement, comme souvent dans la Bible, cette phrase peut-être lue également comme une piste de réflexion utile pour nous aider à avancer. Ces textes parlent à la fois d’une histoire ancienne, et aussi de nous-même grâce à des jeux de mots et des formules à double sens dont l’usage est fréquent dans la Bible, et dont Jean est un spécialiste. « Il y a parmi vous, dans la foule, quelqu’un que vous ne connaissez pas », signifie tout aussi bien : « Il y a EN vous-même, au cœur de votre être, quelqu’un que vous ne connaissez pas. »

Ce texte de l’Évangile nous propose à la fois de découvrir ce que Jésus a de particulier parmi les humains, et aussi de nous découvrir nous-même en vérité. Il y aurait au cœur de mon être, quelqu’un que je ne connais pas. Ce qui nous conduit à nous demander sincèrement : est-ce que je me connais assez bien moi-même ? C’est loin d’être évident. Peut-être est-ce comme notre propre voix que nous n’aimons pas trop entendre dans un enregistrement. Peut-être que nous ne nous connaissons pas assez, comme nous ne connaissons pas non plus très bien nos proches, croyant les connaître par cœur, et qui pourtant sont infiniment plus que ce que nous avons bien voulu savoir.

Jean Baptiste nous dit qu’il y a en nous, au cœur de nous-même, une personne que nous ne connaissons pas. Une personne géniale, en plus, qui gagne à être connue.

Le premier point auquel nous sommes invités par cette annonce surprenante de Jean-Baptisrte rejoint cette devise de Socrate : « Connais-toi toi-même » (Γνῶθι σεαυτόν). Jean aime bien faire des passerelles avec la philosophie. Chercher à mieux nous connaître nous-même était déjà proposé par bien des philosophes grecs : tant mieux, c’est comme une préparation à l’Évangile qui va plus loin en nous annonçant qu’une nouvelle dimension nous est donnée, au souffle de l’Esprit, comme un nouveau commencement, nous dira Jean à plusieurs reprises dans son évangile, comme une naissance à la lumière, comme une tendresse qui nous vient d’en haut et qui nous donne d’aimer à notre tour. Pour nous préparer à cela, nous sommes invités premièrement à chercher à mieux nous connaître nous-même pour préparer la place.

L’Évangile nous permet de partir à notre propre découverte avec bienveillance vis à vis de nous-même. Avec tendresse et vérité, comme l’annonce Jean dans son introduction, juste avant le passage que nous avons lu : « La loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité (ou « la tendresse et la fidélité ») sont venues par Jésus-Christ. » (Jean 1:17).

Cette tendresse de Dieu pour nous, que le Christ a manifestée, nous aide vraiment à mieux nous connaître nous-même. Pour entrer en nous-même et aller à notre propre découverte, Christ nous donne d’être accompagné par la bienveillance que Dieu a pour nous. Cela nous donne le courage d’ouvrir les yeux en entrant dans les méandres de notre personnalité, de notre façon d’être, de notre espérance, de notre désir, de notre histoire. En effet, qu’est-ce qui nous empêche de mieux nous connaître en vérité, et de mieux nous accepter, de mieux nous aimer nous-même ? Peut-être est-ce la lassitude ou la paresse de faire ce travail ? Ce serait bien bête. Mais c’est souvent une raison plus profonde que cela : c’est une sorte de peur ou de dégout. En cherchant à mieux nous connaître nous craignons d’être déçu, humilié ? C’est normal. Nous ne sommes pas à la hauteur de nos idéaux, nous ne sommes pas Jésus-Christ. Certes, mais personne ne nous demande de l’être. Et Dieu n’a pas attendu que nous soyons à la hauteur pour nous reconnaître comme son enfant bien-aimé.

Cette visite au cœur de nous-même nous permet de nous découvrir avec bienveillance et en même temps sans complaisance. C’est extrêmement précieux car c’est ainsi que nous pouvons travailler la main dans la main avec Dieu pour grandir et mieux nous porter. Christ a relevé ceux qui avaient honte d’eux-mêmes, comme par exemple des lépreux ou de la femme adultère auxquels il a rendu la dignité aux yeux de tous. En Christ même la plus perdue des brebis perdue n’a plus honte d’être une brebis perdue puisqu’elle a été jugée digne d’être cherchée et trouvée et qu’elle est en chemin pour le meilleur. Elle sait maintenant combien elle est, et a toujours été, aimée.

Comme Jean-Baptiste interrogé ici sur sa personne par les autorités, nous nous sentons jugés par le monde, par la société, par notre entourage, par notre impitoyable regard sur nous-même, et puis par Dieu, peut-être, tant que nous n’avons pas vraiment saisi que Dieu est amour et que nous n’avons absolument rien à craindre de lui. Ces autorités diverses demandent à Jean-Baptiste, et nous demandent : « Toi, qui es-tu ? », question qui rejoint cet appel à mieux nous connaître nous-même. Jean-Baptiste répond alors « Je ne suis pas le Christ. » Oui, nous ne sommes pas le Christ, nous ne sommes pas un modèle parfait d’humanité idéale, nous sommes loin de ce que Dieu pourrait espérer. C’est vrai et c’est normal. Ce que nous sommes est encore en train de venir. En train d’advenir au souffle de l’Eprit.

En même temps, Jean-Baptiste semble avoir du mal à dire qu’il n’est pas le Christ, le texte marque comme un bégayement de Jean-Baptiste qui semble balancer entre le reconnaître et le nier pour finalement confesser « Je ne suis pas le Christ ». L’hésitation de Jean-Baptiste montre que ce n’est pas si simple. En nous frémit déjà quelqu’un qui vient et qui est aussi l’incarnation de la Parole de Dieu dans notre propre chair. Nous ne sommes pas le Christ mais ce Christ ne nous est pas étranger non plus, c’est pourquoi Jésus nous appelle ses frères et sœurs, enfant du même Dieu que lui.

La prière, cette réflexion main dans la main avec Dieu, est un puissant atelier pour mieux nous connaître et préparer le chemin à celui qui vient. Comme le dit Jean encore dans l’ouverture de son texte, Dieu se fait lumière pour éclairer tout humain (1:9), et donc nous aussi. Ce n’est Dieu qui va nous dire qui nous sommes, il nous donne les moyens d’y voir plus clair par nous-même, avec tendresse pour l’enfant que nous sommes. Voir au delà de nos actes passés, au delà de notre caractère que nous jugeons épouvantable, au-delà de ces personnages que nous nous sommes créés. Découvrir en nous une véritable personnalité, particulière, aimée pour cela et que nous pouvons enfin aimer. Vraiment. Au fond, nous sommes une personne formidable, bien meilleure que nous le pensions. Être heureux d’être soi.

Personne, aucun expert, aucun théologien ne peut faire ce travail à notre place. Car personne n’est à l’intérieur de nous-même, sauf nous-même et sauf Dieu par son Souffle qui nous anime.

«Il y a quelqu’un en vous que vous ne connaissez pas.» et que nous apprenons à connaître. C’est la première nouvelle que nous annonce l’Évangile. La seconde c’est que ce quelqu’un qui est au cœur de nous-même est encore en train de venir. C’est présenté comme une certitude. Il n’est pas dit : soyez bien sage, priez Dieu avec ardeur, allez bien au culte chaque dimanche, lisez votre Bible, soyez profondément convaincu de telle ou telle doctrine, soyez généreux pour les pauvres, ayez la foi jusqu’à transporter les montagnes, soyez baptisé... et alors Dieu vous donnera la vie. Non. Ce que dit Jean-Baptiste révèle ce qui est déjà vrai, ce qui est déjà en train de se faire : il vient, ce quelqu’un en vous que vous ne connaissez pas.

Ce « quelqu’un » est comme Jésus qui était déjà là, vivant alors que personne ne faisait attention à lui dans la foule des passants. De même cette personne géniale que nous sommes est déjà vivante en nous et elle est encore en train de venir.

Jean dira, dans une de ses lettres que «quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jean 4:7), cela ne nous est pas étranger, même si nous sommes loin d’aimer comme Jésus aurait aimé, bien sûr. C’est un nous-même qui existe et qui est encore en train de venir, grâce à Dieu. Car il faut du temps pour que l’enfant grandisse, pour que la pâte lève, pour que le blé pousse. Les personnes les plus humaines que j’ai rencontrées, en ce sens, sont des personnes âgées car c’est tout au long de notre vie que ce nous-même né de Dieu vient et grandit.

C’est ce qui rend peut-être difficile à saisir ce nous-même qui vient de l’Esprit de Dieu : c’est qu’il est en mouvement, il est en évolution, il nous surprend sans cesse. C’est ce que relève Jésus un peu plus loin dans le même évangile, cette part de nous même qui est née de l’Esprit : on ne peut savoir ni d’où elle vient ni où elle va (Jean 3:8). C’est la part la plus vivante de nous-même, la plus créative.

C’est une part de nous-même dont nous ne savons pas assez qu’elle existe. C’est comme dans ces récits que nous entendons parfois aux informations où une personne qui se considérait comme ordinaire s’est révélée être un héros dans à une situation d’urgence, sauvant par exemple un enfant en attrapant un bébé qui tombe d’un immeuble. Ce héros n’est pas différent de la personne qu’elle était la veille, elle s’est seulement déployée. Voilà : un être humain d’exception est en vous : l’Évangile nous le révèle, et nous ne le savions pas. Un être humain d’exception selon nos propres forces, selon notre charisme. Ce n’est pas un vœu, ni une promesse, c’est une constatation de ce qui est.

Il y a quand même une chose que nous pouvons faire, sachant cela, c’est faire comme Jean-Baptiste, c’est faire comme le conseillait déjà le prophète Ésaïe : c’est préparer en nous les chemins du Seigneur, de son Esprit en nous. Aplanir ses sentiers pour faciliter sa circulation au cœur de nous-même. Que chaque facette de notre belle personnalité puisse être visitée, connue, soignée, nourrie, encouragée, et du coup vienne à se manifester.

Amen

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Texte Biblique

Évangile selon Jean 1:19-34

Voici le témoignage de Jean, lorsque les Judéens lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : Toi, qui es-tu ? 20 Il affirma, sans le nier, il affirma : Moi, je ne suis pas le Christ. 21 Ils lui demandèrent : Alors quoi ? Toi, es-tu Élie ? Il dit : Je ne le suis pas. (Ils lui dirent :) Le Prophète, est-ce toi ? Il répondit : Non. 22 Ils lui dirent alors : Qui es-tu ? Que nous puissions donner une réponse à ceux qui nous ont envoyés ! Que dis-tu de toi-même ? 23 Il dit : Moi, je suis celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme dit le prophète Ésaïe. 24 Alors, ceux qui avaient été envoyés de chez les pharisiens 25lui demandèrent : Pourquoi donc baptises-tu, si, toi, tu n'es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? 26 Jean leur répondit : Moi, je baptise dans l'eau. Au milieu de vous (au cœur de vous-même), se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas 27 et qui vient derrière moi ; quelqu’un dont je ne suis pas digne de délier la lanière de sa sandale.

28 Cela se passait à Béthanie, de l'autre côté du Jourdain, là où Jean baptisait.

29 Le lendemain, il voit Jésus venant vers lui et il dit : Voici l'agneau de Dieu portant le péché du monde. 30C'est à son sujet que, moi, j'ai dit : Derrière moi vient un homme qui a été devant moi, car, avant moi, il était ; 31moi-même, je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu'il soit manifesté à Israël que je suis venu baptiser dans l'eau. 32 Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ; 33moi-même, je ne le connaissais pas ; c'est celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau qui m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit saint. 34Moi-même, j'ai vu et j'ai témoigné que c'est lui le Fils de Dieu.

(cf. traduction NBS)