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Histoire de quelques colonnes

( Galates 1:11-2:14 ; 2 Chroniques 3:3-17 )

Culte du 30 septembre 2007
prédication du pasteur Marc Pernot

Nous voyons ici que l'apôtre Paul est tiraillé entre un appel direct de Dieu et des questions qui se posent dans la communauté chrétienne comme dans toute association humaine : des questions d'autorité, de personnalités et de stratégies. Vivre les uns avec les autres n'était pas plus facile pour les premiers apôtres que pour nous aujourd'hui, bien sûr. Les apôtres étaient aussi des hommes et des femmes avec leurs limites et donc leur besoin de progresser.

Individuellement, mais aussi collectivement, en tant qu'église, nous avons besoin de nous convertir sans cesse, un peu comme Paul sur le chemin de Damas.

Une saine autocritique, placée devant Dieu, est utile. Elle nous permet de reconnaître notre péché et nos erreurs dans l'espérance d'un progrès que nous sommes loin de pouvoir conquérir tout seul. Cette repentance n'a pas besoin d'être exagérée, nous sommes pécheurs et l'église est pécheresse, certes, mais nous avons également chacun une grâce et une vocation que nous recevons de Dieu, comme Pierre, comme Paul, comme Jacques et Jean, et comme l'Église qu'ils constituent avec tous les autres. Reconnaître cette bonne part qui est en chacun est la mission première que nous donne le Christ quand il nous dit d'aimer notre prochain comme nous-mêmes (d'aimer notre prochain et de nous aimer aussi nous-mêmes).

Le chrétien n'est pas à la hauteur de son idéal, l'Église non plus, c'est vrai, ce ne serait pas juste de leur en vouloir pour cela. Par définition, personne n'est à la hauteur de son idéal. Mais ce que nous pouvons faire dès aujourd'hui, c'est espérer progresser et tourner les yeux vers Dieu pour cela. Et nous pouvons aussi prendre au sérieux notre vocation, cette grâce qui nous a été accordée de recevoir l'Évangile du Christ et d'avoir part à sa vie.

Pour nous, chrétiens, l'écart entre notre idéal et la réalité que nous vivons est infiniment plus grand que pour n'importe quel idéal humain, car notre idéal est le plus élevé qui soit, c'est Dieu. Et pourtant, nous sommes aussi un animal qui doit s'organiser avec les autres pour vivre, pour manger, pour se protéger du froid, de la solitude, pour lutter contre la maladie, gérer les ressources. Ce grand écart n'est pas très confortable, mais c'est une tension d'une incroyable richesse. Le Christ est bien placé pour parler de cette difficulté, et il nous en parle franchement, nous disant que nous sommes à la fois dans le monde et en dehors du monde, que cela est source de souffrances, mais qu'elles sont comme celles d'un accouchement par lequel nous avons la joie de donner la vie (Jean 15, 16,17).

Paul est appelé directement par Dieu qui lui révèle Jésus-Christ et qui l'envoie pour porter cet Évangile dans le monde. La mise en œuvre concrète n'est pas simple. Il s'agit de changer la face du monde, de commencer par se convertir lui-même puis d'appeler le monde à se convertir. Paul est alors au cœur de ce grand écart du chrétien.

Pour assumer sa vocation, Paul a d'abord entrepris de se construire, pour réfléchir et pour prier, dans la solitude pendant 3 ans. Puis il travaille à l'œuvre que Dieu lui donne, pendant 14 ans. Il se rend compte alors qu'il ne peut pas continuer à bâtir comme cela, dans son coin, même s'il le fait très bien.

Il part rencontrer ceux qu'il appelle “ les colonnes ” : Pierre, Jacques et Jean. Malgré tout ce qu'il a reçu de Dieu, malgré ce qu'il a déjà réalisé, Paul tremble en allant à la rencontre de ces apôtres à Jérusalem, lui qui ne tremble plus devant Dieu depuis qu'il a reçu l'Évangile (Ro. 8:15).

Alors pourquoi ne continue t-il pas seul dans son coin à faire le bien ? Parce que ce serait comme bâtir un temple avec une seule colonne au milieu qui soutiendrait à elle seule le plafond. Même si la colonne est solide et bien plantée il y a de grande chance que le plafond bascule et s'écrase sur ceux qui sont en dessous.

Les colonnes servent à maintenir l'écart entre le plafond et le plancher, c'est indispensable car c'est là, dans l'entre deux, qu'est l'espace vital. C'est dans cet espace entre Dieu et le monde que nous vivons, dans cette tension féconde entre ces deux réalités.

Les colonnes permettent de tenir cette distance, alors que l'on a parfois tendance à tout mélanger, spécialement aujourd'hui, me semble t-il. On entend, par exemple, que Dieu est le printemps de la nature ou l'âme du monde. On entend que chaque geste d'amour est une prière, et qu'un sourire est une louange à Dieu... Et bien, oui dans un certain sens, mais ce n'est pas suffisant. Il est essentiel de garder conscience de la distance entre le ciel et la terre, il est vital de maintenir cette tension entre Dieu, l'infini, et le monde fini, entre le créateur et la créature, entre l'idéal et l'actualité. Cet écart est essentiel car c'est là, dans l'entre deux, qu'est aujourd'hui l'espace vital de l'homme. La tension entre ces deux pôles est inconfortable, dans un sens, elle est dérangeante, mais c'est là, dans cette tension entre Dieu et le monde, qu'est l'immense richesse de la vie humaine, sa capacité à avancer et à donner la vie.

Les colonnes sont donc essentielles. C'est ce que nous montre le récit de la construction du temple de Jérusalem par Salomon (2 Chro. 3:17, 1 Rois 7:21), récit plein de sens symboliques, évidemment, puisque ce temple lui-même est un symbole, celui de la présence de Dieu qui descend vers son peuple. Dans la description du temple, il y a un détail important à propos de deux colonnes dressées devant le temple, on nous donne même leurs noms, celle de droite s'appelle Yakin, et celle de gauche Boaz. Ces colonnes ne portent pas d'autre plafond que le ciel, elles sont dressées devant le temple, comme un signe marquant la distance et le lien fondamental entre la terre et le ciel.

  • La 1e colonne, s'appelle Yakin, ce qui veut dire : Il a établi : Dieu nous enracine solidement.
  • La 2nde colonne s'appelle Boaz, c'est la force.

Il faut les deux pour remplir le service que l'être humain est chargé de rendre au monde. Il faut être solidement planté pour que le pied de la colonne ne glisse pas, et il faut que la colonne ait une force interne suffisante pour ne pas plier.

Comme à Paul, Dieu nous donne ces deux qualités, d'enracinement et de force :

  • Le Christ est la fondation, cet ancrage solide sur lequel Dieu nous propose de nous construire et de construire notre action, c'est le roc de l'Évangile de l'amour de Dieu.
  • La 2nde qualité c'est la force qui nous vient de Dieu par sa grâce, par son Esprit.

Paul prend le temps de recevoir cet enracinement et cette force avec ces 3 ans de réflexion et de prière après sa rencontre avec le Christ. Paul devient ainsi une bonne colonne, son œuvre le prouve. Mais après 14 ans de travail en réponse à sa vocation, il prend conscience qu'il a besoin d'être en communion avec les autres colonnes. Ce n'est pas que les forces lui manquent ou qu'il doute de son enracinement en Christ. D'ailleurs, il ne recevra dans cette rencontre ni force supplémentaire ni d'autre révélation que celle qu'il a déjà reçue lui-même “ de Jésus-Christ et de Dieu ”, il n'aura même pas à changer sa théologie ou à faire évoluer sa vocation d'apôtre des païens. Mais Paul va à Jérusalem pour établir un lien concret avec les autres. Paul reconnaît alors que Jacques, Pierre et Jean sont des colonnes, et ils le reconnaissent comme étant une colonne au même titre que chacun d'eux.

C'est fondamental. Les colonnes maintiennent la relation et la distance entre le ciel et la terre, entre le monde et Dieu. Il est bon également de maintenir une distance entre les colonnes, en reconnaissant l'existence des autres, sans fusionner avec eux, en communion et en complémentarité. À Antioche, ce que Paul reprochera à Pierre, c'est de ne pas avoir le courage d'être lui-même. En se fondant dans le point de vue de Jacques, il ne joue alors plus son rôle en tant que colonne, ce qui met tout l'édifice en danger.

Avec leurs personnalités propres, Jacques, Pierre, Jean et Paul sont 4 colonnes utiles.

  • Jacques est celui qui a l'autorité dans l'organisation concrète de l'Église, même sur Pierre qui tremble devant lui. Pourtant ce Jacques n'a pas fait partie des 12 apôtres, il tient son pouvoir du lien de sang qui le lie à Jésus. Jacques représente la dimension concrète de l'organisation de l'église et de la solidarité avec les autres. C'est une de nos missions fondamentales, c'est un des liens que Dieu veut avoir avec le monde. Mais il y a trois autres colonnes.
  • Pierre est connu pour sa fougue, il est chargé ici de s'occuper des juifs qui suivent les rites du judaïsme, il incarne donc la pratique de la religion. C'est aussi une colonne utile, car la pratique de la religion est un lien fondamental entre Dieu et le monde, une mise en relation et en tension entre ces deux réalités. C'est la 2e colonne.
  • Jean est le disciple bien aimé de Jésus, le plus proche témoin, celui qui peut poser à Jésus les questions les plus délicates dans le creux de l'oreille (Jean 13:25). Cette colonne, c'est celle de la mystique, celle de la communion avec Dieu en Christ, elle est aussi une colonne essentielle.
  • Paul est ici la 4e colonne, il est reconnu par les autres comme ayant la mission d'annoncer le Christ aux païens, cette colonne est tout aussi essentielle pour notre vie que les trois autres. L'annonce de l'Évangile vers les païens est aussi essentielle pour notre foi que la prière, le baptême, ou l'existence de l'église.

Ces 4 colonnes sont complémentaires quand il y a une vraie reconnaissance mutuelle sans qu'une seule soit abaissée, absorbée, ou démesurément grandie.

Ces 4 colonnes sont utiles en chaque chrétien. Nous avons là 4 lieux fondamentaux de relation entre Dieu et une personne, 4 piliers de l'existence pour organiser notre vie avec les autres et pour témoigner de l'Évangile, pour pratiquer la religion mais aussi, ce qui n'est pas la même chose, pour être en communion avec Dieu.

Mais ces 4 colonnes, ce sont aussi des personnes distinctes, ici, avec des vocations particulières, des personnalités, des théologies et des pratiques différentes, forcément. Cette réalité complexe n'était pas plus facile à vivre alors que maintenant, mais Jacques, Paul, Pierre et Jean nous apprennent à devenir ensemble un faisceau de colonnes dans le temple de l'Éternel. Ils nous montrent l'exemple d'une mutuelle “ reconnaissance de la grâce qu'a reçu l'autre ”. Il y a là un état d'esprit fait de foi, d'humilité et de respect. Cet esprit de paix permettra même à Paul de dire ce qui ne va pas à Pierre quand ce sera nécessaire. Il le fera pour faire progresser les choses, sur la base de cette profonde communion dans un même service, celui de Dieu, par la foi en Christ.

Alors, nous pourrons accomplir notre ministère commun pour tous, celui de la solidarité, celui de la religion, celui de la foi personnelle, et celui de l'évangélisation.

Que Dieu nous affermisse et nous garde, tous ensemble, et chacun en particulier. Amen.

 

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Lecture de la Bible

Galates 1:11-2:14

Je vous déclare, frères, que l’Evangile qui a été annoncé par moi n’est pas de l’homme; 12 car je ne l’ai ni reçu ni appris d’un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ. 13 Vous avez su, en effet, quelle était autrefois ma conduite dans le judaïsme, comment je persécutais à outrance et ravageais l’Eglise de Dieu, 14 et comment j’étais plus avancé dans le judaïsme que beaucoup de ceux de mon âge et de ma nation, étant animé d’un zèle excessif pour les traditions de mes pères. 15 Mais, lorsqu’il plut à celui qui m’avait mis à part dès le sein de ma mère, et qui m’a appelé par sa grâce, 16 de révéler en moi son Fils, afin que je l’annonce parmi les païens, aussitôt, je ne consultai ni la chair ni le sang, 17 et je ne montai point à Jérusalem vers ceux qui furent apôtres avant moi, mais je partis pour l’Arabie. Puis je revins encore à Damas. 18 Trois ans plus tard, je montai à Jérusalem pour faire la connaissance de Céphas, et je demeurai quinze jours chez lui. 19 Mais je ne vis aucun autre des apôtres, si ce n’est Jacques, le frère du Seigneur. 20 Dans ce que je vous écris, voici, devant Dieu, je ne mens point. 21 J’allai ensuite dans les contrées de la Syrie et de la Cilicie. 22 Or, j’étais inconnu de visage aux Eglises de Judée qui sont en Christ; 23 elles avaient seulement entendu dire: Celui qui autrefois nous persécutait annonce maintenant la foi qu’il’il s’efforçait alors de détruire. 24 Et elles glorifiaient Dieu à mon sujet. 1 Quatorze ans après, je montai de nouveau à Jérusalem avec Barnabas, ayant aussi pris Tite avec moi; 2 et ce fut d’après une révélation que j’y montai. Je leur exposai l’Evangile que je prêche parmi les païens; je l’exposai en particulier à ceux qui sont les plus considérés, afin de ne pas courir ou avoir couru en vain. 3 Mais Tite, qui était avec moi, et qui était Grec, ne fut même pas contraint de se faire circoncire. 4 Et cela, à cause des faux frères qui s’étaient secrètement introduits et glissés parmi nous, pour épier la liberté que nous avons en Jésus-Christ, avec l’intention de nous asservir. 5 Nous ne leur cédâmes pas un instant et nous résistâmes à leurs exigences, afin que la vérité de l’Evangile soit maintenue parmi vous. 6 Ceux qui sont les plus considérés-quels qu’ils aient été jadis, cela ne m’importe pas: Dieu ne fait point de favoritisme-ceux qui sont les plus considérés ne m’imposèrent rien. 7 Au contraire, voyant que l’Evangile m’avait été confié pour les incirconcis, comme à Pierre pour les circoncis- 8 car celui qui a fait de Pierre l’apôtre des circoncis a aussi fait de moi l’apôtre des païens- 9 et ayant reconnu la grâce qui m’avait été accordée, Jacques, Céphas et Jean, qui sont regardés comme des colonnes, me donnèrent, à moi et à Barnabas, la main d’association, afin que nous allions, nous vers les païens, et eux vers les circoncis. 10 Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai eu bien soin de faire. 11 Mais lorsque Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était répréhensible. 12 En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, il mangeait avec les païens, et, quand elles furent venues, il s’esquiva et se tint à l’écart, par crainte des circoncis. 13 Avec lui les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabas même fut entraîné par leur hypocrisie. 14 Voyant qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Evangile, je dis à Céphas en présence de tous: Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi forces-tu les païens à judaïser?

2 Chroniques 3:3-17

Voici sur quels fondements Salomon bâtit la maison de Dieu. La longueur en coudées de l’ancienne mesure était de soixante coudées, et la largeur de vingt coudées. 4 Le portique sur le devant avait vingt coudées de longueur, répondant à la largeur de la maison, et cent vingt de hauteur; Salomon le couvrit intérieurement d’or pur. 5 Il revêtit de bois de cyprès la grande maison, la couvrit d’or pur, et y fit sculpter des palmes et des chaînettes. 6 Il couvrit la maison de pierres précieuses comme ornement; et l’or était de l’or de Parvaïm. 7 Il couvrit d’or la maison, les poutres, les seuils, les parois et les battants des portes, et il fit sculpter des chérubins sur les parois. 8 Il fit la maison du lieu très saint; elle avait vingt coudées de longueur répondant à la largeur de la maison, et vingt coudées de largeur. Il la couvrit d’or pur, pour une valeur de six cents talents; 9 et le poids de l’or pour les clous montait à cinquante sicles. Il couvrit aussi d’or les chambres hautes. 10 Il fit dans la maison du lieu très saint deux chérubins sculptés, et on les couvrit d’or. 11 Les ailes des chérubins avaient vingt coudées de longueur. L’aile du premier, longue de cinq coudées, touchait au mur de la maison; et l’autre aile, longue de cinq coudées, touchait à l’aile du second chérubin. 12 L’aile du second chérubin, longue de cinq coudées, touchait au mur de la maison; et l’autre aile, longue de cinq coudées, joignait l’aile du premier chérubin. 13 Les ailes de ces chérubins, déployées, avaient vingt coudées. Ils étaient debout sur leurs pieds, la face tournée vers la maison. 14 Il fit le voile bleu, pourpre et cramoisi, et de byssus, et il y représenta des chérubins. 15 Il fit devant la maison deux colonnes de trente-cinq coudées de hauteur, avec un chapiteau de cinq coudées sur leur sommet. 16 Il fit des chaînettes comme celles qui étaient dans le sanctuaire, et les plaça sur le sommet des colonnes, et il fit cent grenades qu’il mit dans les chaînettes. 17 Il dressa les colonnes sur le devant du temple, l’une à droite et l’autre à gauche; il nomma celle de droite Jakin, et celle de gauche Boaz.