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Déçu par la vie, déçu par Dieu ?

(Luc 11:1-13 ; Genèse 32:25-31)

(écouter, culte en entier, imprimer)

Le dimanche 5 mai 2019
Au temple de Malagnou - Genève
prédication du pasteur Marc Pernot

« Ce monde est le champ de bataille d'êtres harcelés et angoissés qui n'y subsistent qu'en se dévorant les uns les autres, où chaque animal de proie est le tombeau vivant de mille autres et ne doit sa propre conservation qu'à une chaîne de martyres, (ce monde) où ensuite la capacité d'éprouver de la souffrance augmente avec la connaissance, jusqu'à atteindre en l'homme son plus haut degré, lequel est d'autant plus élevé que l'homme est plus intelligent - c'est à ce monde, dis-je, qu'on a voulu ajuster le système de l'optimisme et c'est ce monde qu'on nous a présenté comme le meilleur des mondes possibles ! L'absurdité est criante. Cependant un optimiste me demande d'ouvrir les yeux et de plonger mon regard dans le monde, de voir comme il est beau à la lumière du soleil avec ses montagnes, ses vallées, ses fleuves, ses plantes, ses animaux, etc. Mais le monde est-il donc un panorama ? Ces choses, bien sûr, sont belles à voir, mais être l'une d'elles, c'est une tout autre affaire. » (Le Monde comme volonté et représentation, Suppléments 46)

Certes, Schopenhauer, qui a écrit ces lignes, était dépressif et probablement avec de bonnes raisons de l’être, mais sa question demeure : notre monde peut nous décevoir profondément. Il y a bien quelques reflets de la bonté de Dieu, mais aussi de terribles scandales.

Un peu plus tard (1862), Alfred de Vigny écrit un poème brossant Jésus au Jardin des Oliviers, déçu par Dieu avec angoisses et larmes :

... Il se courbe, à genoux, le front contre la terre,
Puis regarde le ciel en appelant : Mon Père !
— Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas.
Il se lève étonné, marche encore à grands pas...

Dans ces vers, Vigny évoque le scandale de ce hiatus entre l’Évangile qui parle d’un Dieu tout amour pour nous et le fait que ce n’est pas toujours cela que nous ressentons, en particulier dans quand les afflictions nous frappent de plein fouet. Vigny conclut :

Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,
Le juste opposera le dédain à l’absence
Et ne répondra plus que par un froid silence
Au silence éternel de la Divinité.

Jésus affronte cette question dans son enseignement sur la prière que je vous ai lu, avec une réponse diamétralement inverse à celle de Vigny. Jésus travaille cette question avec une courte parabole présentant Dieu sous les traits d’un homme que nous pensions être un ami et qui nous déçoit terriblement. C’est essentiel, à mon avis, de ne pas éluder cette question. Dire et répéter que Dieu est tout amour, toute compassion et disponibilité n’est qu’une face de la réalité, cela ne suffit pas à rendre compte de notre expérience de ce monde et de la prière. La réponse de Jésus est intéressante : elle est à la fois pratique (Que faire face alors ?), théologique (Quel est donc ce Dieu ?), et philosophique (Que cherchons-nous ?)

1) La réponse de Jésus est d’abord pratique

Que faire face quand nous sommes déçu par Dieu ? Insister grossièrement, nous dit Jésus. Il n’y a que cela qui marche. La prière est une impertinence opiniâtre, mal-élevée. Jésus sait que c’est choquant, que ça ne se fait pas. Eh bien forçons notre talent à cette occasion : par définition, un ami est une personne que l’on peut se permettre de déranger en pleine nuit même s’il est grognon et de mauvaise humeur, sinon ce n’est pas un ami.

Les disciples avaient demandé à Jésus de leur apprendre à prier. Il répond ainsi que prier c’est chercher, c’est demander, c’est frapper à la porte de Dieu en allant jusqu’à la grossière insistance. Ces verbes sont au participe présent, exprimant une façon d’être. Prier : c’est être cherchant, être demandant, être frappant à la porte de Dieu même quand il nous déçoit.

Tambouriner à la porte de quelle idée de Dieu ? Pour chercher quoi ? demander quoi ? Jésus précisera plus tard, comme si c’était secondaire. L’essentiel de la prière est ainsi dans ces gestes. C’est déjà libérant : même si je demandais un peu n’importe comment et n’importe quoi avec une théologie improbable... « On » y répondra, « on » donnera, « on » ouvrira. Cette forme passive en lieu et place de « Dieu vous donnera, vous ouvrira », suggère que nous ne connaissons pas encore vraiment Dieu avant qu’il nous donne et nous ouvre. Un seul de ces 3 exaucements est à la voie active : « qui cherche trouve », nous révélant que nous avons des ressources d’intelligence en nous-même qui ne sont pas à négliger, ou qu’une partie de l’exaucement de la prière par Dieu est de nous ouvrir les yeux et non de trouver à notre place LA solution.

La prière est cette impertinence opiniâtre, forçant notre déception. C’est même alors que notre prière est un travail en profondeur.

Cette réponse très pratique de Jésus s’enracine dans une attitude déjà millénaire à son époque, et qui a fait les preuves de son efficacité. Les Psaumes nous suggèrent déjà de répondre ainsi à la voix du doute moqueur disant en nous : « où est-il, ton Dieu ? » (Psaumes 42:3-10, 115:2 ; 79:10) C’est ce que propose également le récit de Jacob luttant avec Dieu jusqu’à l’aube, disant «Je ne te laisserai pas aller tant que tu ne m’auras pas béni. » (Genèse 32:26). La prière est une impertinence, une insistance, un combat. Et ce combat est victorieux.

2) La réponse de Jésus est ensuite théologique

Quel est donc ce Dieu ? Jésus reconnaît que l’on peut percevoir Dieu comme un ami bien décevant, avant de persister à affirmer que Dieu est source de bien, et qu’il n’y a en lui aucun mal, ni aucune indifférence à craindre. Jésus ne lâche rien : Pensez-vous une seconde, dit-il, que Dieu (qui est le Père au-delà de tout) serait moins bon pour vous que le plus aimant des pères et des mères existant en ce monde ? Si Jésus dit cela c’est que certaines personnes pensaient que Dieu pouvait être source de maladie, de catastrophe ou de mort, parfois. Jésus répond que cela n’a pas de sens. Qu’il est impensable de le voir nous donner quelque chose d’immangeable ou une tentation trompeuse comme un serpent, impossible que Dieu soit source de souffrance et de mort pour nous comme s’il donnait un scorpion.

Jésus n’en dit pas plus. Il est le prédicateur d’une théologie modeste, fonctionnelle : il affirme que Dieu n’est jamais source de mal, qu’il répond toujours, à sa façon, mais toujours bienfaisante. C’est la base. Cela suffit pour le prier et ne pas craindre de le déranger grossièrement. Et si nous ressentions colère ou déception, que cela nous fasse cogner plus fort à sa porte, nous battre et nous cramponner à sa Parole comme Jacob, prier encore tant que nous n’aurons pas reçu sa bénédiction. Nous pouvons même réclamer, râler notre incompréhension comme Jésus et son « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné », nous pouvons réclamer comme Schopenhauer sur toutes la peine que nous avons à vivre et notre légitime révolte devant les horreurs qui existent en ce monde. Car Dieu est ce « on » que nous ne connaissons qu’à peine mais qui nous exauce au-delà de toutes nos attentes.

3) La réponse de Jésus est enfin philosophique

Qu’espérer ? Qu’est-il sage et bon de chercher ?

Ce n’est pas que ce soit critique, car si son enfant lui demande n’importe quelle bêtise, comme une pierre à manger, un serpent ou un scorpion, un bon parent donnera de toute façon ce qui sera bon. Mais afin d’être moins déçu et plus en phase avec ce que Dieu peut nous donner, c’est mieux d’affiner ce que nous espérons.

En conclusion de cette parabole, Jésus, comme souvent, fait tomber une surprise qui retourne tout. Nous étions dans un questionnement sur le manque d’efficacité de notre prière de demande. Jésus conclut : « Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. »

Ce meilleur que Dieu nous donne c’est donc son Esprit : une prodigieuse qualité d’être, une hauteur divine, une bonté divine, une sainteté divine, une liberté et une créativité personnelle épanouie. Alors oui, nous saurons ce que c’est que d’être ami de l’humain, exauceur d’humain, généreux donateur de pains de vie pour l’ami qui a faim.

Déjà Jésus annonçait cela dans cette prière si simple qu’il donne juste avant, encore plus simple et brève que la prière liturgique qu’est le « Notre Père » proposé dans l’Évangile selon Matthieu :

« Père... » commence-t-il tout simplement, sans en faire « notre » chose. « Père... » : notre prière pourrait se limiter parfois à ce mot Père ou Mère, et un silence, une méditation sur ce que nous pensons qu’il devrait être et de ce que nous pourrions vivre avec lui et par lui, laisser se déployer une confiance.

« Père... Que ton nom soit sanctifié ; Que ton règne vienne » Des manuscrits très anciens nous proposent des variantes montrant comment ils comprenaient cette demande : Que ton règne vienne « sur nous », « Que ton Esprit-Saint vienne et nous purifie. » Que Dieu travaille ainsi de l’intérieur de nous-même, et nous rende à notre mesure source de vie et de purification de ce qui reste de mauvais en ce monde.

Cela éclaire ce que Jésus peut entendre par ces pains qui reviennent à trois reprises dans cette page. D’abord dans sa propre prière avec « Notre pain extraordinaire, donnes-le nous au jour le jour ». J’ai traduit par « extraordinaire » le mystérieux « epiousiov » (littéralement « au dessus de la substance »). Dans la parabole de Jésus il est ensuite question de « trois pains », le chiffre vient qualifier cette nourriture d’une dimension divine, quelque chose comme « le pain de Dieu ». Enfin, il y a la promesse que si nous demandons du pain, le Père au dessus de tout nous donnera rien de moins bon que cela : le « pain de vie », comme le dit Jean, « le pain » qu’est le Christ, sa façon d’être avec les humains et avec Dieu. prendre, se nourrir de cela, l’assimiler dans noter façon d’être afin d’activer ce que nous sommes. Et c’est comme cela qu’un de ses disciples, voyant Jésus prier, lui demande « Seigneur, enseigne-nous à prier ».

Qu’espérer de Dieu en allant tambouriner à sa porte ? Ce que nous pouvons demander à Dieu : c’est donc Dieu lui-même, sa bénédiction comme Jacob, son règne c’est à dire son action sur nous et en nous, son Esprit : sa bonne créativité, ou son pain, sa vie à assimiler pour être plus vivant en mâchant au jour le jour ce que Dieu nous offre dans la prière et dans l’enseignement du Christ.

À y mieux regarder, quand Jésus fait dire à l’ami grognon qu’il est « à l’intérieur », bien tranquille avec ses enfants, cela prend un nouveau sens à la lumière de la conclusion apportée par Jésus. Quand Dieu refuse d’être dérangé, que faisait-il de si important ? Il était déjà en train de travailler à l’exaucement de notre prière avant même que nous la formulions. Alors que nous étions dans les ténèbres et ayant un urgent besoin de pain, il était « à l’intérieur » de nous : en nous pour construire notre paix, boulanger notre pain de vie, insuffler sa vie dans ses enfants. L’Esprit travaillait déjà en nous, dans notre prière.

Au chapitre suivant, Luc revient sur l’enseignement de la prière par Jésus et une discussion sur ce qu’il est bon d’espérer et il conclut par cette phrase qui va dans le même sens « N'aie pas peur, petit groupe ; car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume. »(Luc 12:31) Vous l’a déjà donné, nous dit Jésus, et il dit cela juste après nous avoir suggéré de chercher justement son royaume.

C’est pourquoi nous pouvons prier, chercher, tambouriner à la porte de Dieu quand nous sommes dans les ténèbres, quand nous sommes déçus, désespérés, affamés, quand nous sommes en colère et déçus de lui. Notre ardente prière le rejoint dans son patient travail dans l’ombre de nos profondeurs.

La prière sincère est une âpre demande, une insistance qui nous vient des tripes, un combat, une blessure. C’est une révolte avec ce monde et avec les nôtres qui souffrent. Et comme la prière opiniâtre est la réponse à la prière déçue, vivre avec opiniâtreté est la vraie réponse quand nous sommes déçus de la vie comme Schopenhauer. Afin d’ajouter précisément ce qui nous choque par son manque.

Et pour cela, nous dit Jésus : demandons à Dieu plus que la lune : demandons Dieu à Dieu, Dieu en nous, en chacun de nous, petit groupe d’enfants de Dieu sur cette terre que Dieu aime.

Il y a tant à faire en ce monde pour le rendre de plus en plus fraternel et rayonnant de bonté. Notre colère et notre désespoir, déjà, se convertissent doucement en énergie, en enthousiasme, en projets.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

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Alfred de Vigny « le mont des oliviers »

I
Alors il était nuit et Jésus marchait seul,
Vêtu de blanc ainsi qu’un mort de son linceul ;
Les disciples dormaient au pied de la colline.
Parmi les oliviers, qu’un vent sinistre incline,

Jésus marche à grands pas en frissonnant comme eux ;
Triste jusqu’à la mort ; l’œil sombre et ténébreux,
Le front baissé, croisant les deux bras sur sa robe
Comme un voleur de nuit cachant ce qu’il dérobe ;
Connaissant les rochers mieux qu’un sentier uni,
Il s’arrête en un lieu nommé Gethsémani :
Il se courbe, à genoux, le front contre la terre,
Puis regarde le ciel en appelant : Mon Père !
— Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas.
Il se lève étonné, marche encore à grands pas,
Froissant les oliviers qui tremblent. Froide et lente
Découle de sa tête une sueur sanglante.
Il recule, il descend, il crie avec effroi :
Ne pouviez-vous prier et veiller avec moi !
Mais un sommeil de mort accable les apôtres,

Pierre à la voix du maître est sourd comme les autres.
Le fils de l’homme alors remonte lentement.
Comme un pasteur d’Egypte il cherche au firmament
Si l’Ange ne luit pas au fond de quelque étoile.
Mais un nuage en deuil s’étend comme le voile
D’une veuve et ses plis entourent le désert.
Jésus, se rappelant ce qu’il avait souffert
Depuis trente-trois ans, devint homme, et la crainte
Serra son cœur mortel d’une invincible étreinte.
Il eut froid. Vainement il appela trois fois :
MON PÈRE ! — Le vent seul répondit à sa voix.
Il tomba sur le sable assis et, dans sa peine,
Eut sur le monde et l’homme une pensée humaine.
— Et la Terre trembla, sentant la pesanteur
Du Sauveur qui tombait aux pieds du créateur.

II
Jésus disait : « Ô Père, encor laisse-moi vivre !
Avant le dernier mot ne ferme pas mon livre !
Ne sens-tu pas le monde et tout le genre humain
Qui souffre avec ma chair et frémit dans ta main ?
C’est que la Terre a peur de rester seule et veuve,
Quand meurt celui qui dit une parole neuve ;
Et que tu n’as laissé dans son sein desséché

Tomber qu’un mot du ciel par ma bouche épanché.
Mais ce mot est si pur, et sa douceur est telle,
Qu’il a comme enivré la famille mortelle
D’une goutte de vie et de Divinité,
Lorsqu’en ouvrant les bras j’ai dit : FRATERNITÉ !

— Père, oh ! si j’ai rempli mon douloureux message,
Si j’ai caché le Dieu sous la face du Sage,
Du Sacrifice humain si j’ai changé le prix,
Pour l’offrande des corps recevant les esprits,
Substituant partout aux choses le Symbole,
La parole au combat, comme au trésor l’obole,
Aux flots rouges du Sang les flots vermeils du vin,
Aux membres de la chair le pain blanc sans levain ;
Si j’ai coupé les temps en deux parts, l’une esclave

Et l’autre libre ; — au nom du Passé que je lave
Par le sang de mon corps qui souffre et va finir :
Versons-en la moitié pour laver l’avenir !
Père Libérateur ! jette aujourd’hui, d’avance,
La moitié de ce Sang d’amour et d’innocence
Sur la tête de ceux qui viendront en disant :
« Il est permis pour tous de tuer l’innocent. »
Nous savons qu’il naîtra, dans le lointain des âges,
Des dominateurs durs escortés de faux Sages
Qui troubleront l’esprit de chaque nation
En donnant un faux sens à ma rédemption. —
Hélas ! je parle encor que déjà ma parole
Est tournée en poison dans chaque parabole ;
Eloigne ce calice impur et plus amer
Que le fiel, ou l’absinthe, ou les eaux de la mer.

Les verges qui viendront, la couronne d’épine,
Les clous des mains, la lance au fond de ma poitrine,
Enfin toute la croix qui se dresse et m’attend,
N’ont rien, mon Père, oh ! rien qui m’épouvante autant !

— Quand les Dieux veulent bien s’abattre sur les mondes,
Es n’y doivent laisser que des traces profondes,
Et si j’ai mis le pied sur ce globe incomplet
Dont le gémissement sans repos m’appelait,
C’était pour y laisser deux anges à ma place
De qui la race humaine aurait baisé la trace,
La Certitude heureuse et l’Espoir confiant
Qui dans le Paradis marchent en souriant.
Mais je vais la quitter, cette indigente terre,
N’ayant que soulevé ce manteau de misère

Qui l’entoure à grands plis, drap lugubre et fatal,
Que d’un bout tient le Doute et de l’autre le Mal.

Mal et Doute ! En un mot je puis les mettre en poudre ;
Vous les aviez prévus, laissez-moi vous absoudre
De les avoir permis. — C’est l’accusation
Qui pèse de partout sur la Création !
— Sur son tombeau désert faisons monter Lazare.
Du grand secret des morts qu’il ne soit plus avare
Et de ce qu’il a vu donnons-lui souvenir,
Qu’il parle. — Ce qui dure et ce qui doit finir ;
Ce qu’a mis le Seigneur au cœur de la Nature,
Ce qu’elle prend et donne à toute créature ;
Quels sont, avec le Ciel, ses muets entretiens,
Son amour ineffable et ses chastes liens ;

Comment tout s’y détruit et tout s’y renouvelle
Pourquoi ce qui s’y cache et ce qui s’y révèle ;
Si les astres des cieux tour à tour éprouvés
Sont comme celui-ci coupables et sauvés ;
Si la Terre est pour eux ou s’ils sont pour la Terre ;
Ce qu’a de vrai la fable et de clair le mystère,
D’ignorant le savoir et de faux la raison ;
Pourquoi l’âme est liée en sa faible prison ;
Et pourquoi nul sentier entre deux larges voies,
Entre l’ennui du calme et des paisibles joies
Et la rage sans fin des vagues passions,
Entre la Léthargie et les Convulsions ;
Et pourquoi pend la Mort comme une sombre épée
Attristant la Nature à tout moment frappée ;
— Si le Juste et le Bien, si l’Injuste et le Mal

Sont de vils accidents en un cercle fatal
Ou si de l’univers ils sont les deux grands pôles,
Soutenant Terre et Cieux sur leurs vastes épaules ;
Et pourquoi les Esprits du Mal sont triomphants
Des maux immérités, de la mort des enfants ;
— Et si les Nations sont des femmes guidées
Par les étoiles d’or des divines idées
Ou de folles enfants sans lampes dans la nuit,
Se heurtant et pleurant et que rien ne conduit ;
— Et si, lorsque des temps l’horloge périssable
Aura jusqu’au dernier versé ses grains de sable,
Un regard de vos yeux, un cri de votre voix,
Un soupir de mon cœur, un signe de ma croix,
Pourra faire ouvrir l’ongle aux Peines Eternelles,
Lâcher leur proie humaine et reployer leurs ailes ;

— Tout sera révélé dés que l’homme saura
De quels lieux il arrive et dans quels il ira. »

III
Ainsi le divin fils parlait au divin Père.
Il se prosterne encore, il attend, il espère…
Mais il renonce et dit : Que votre Volonté
Soit faite et non la mienne et pour l’Eternité.
Une terreur profonde, une angoisse infinie
Redoublent sa torture et sa lente agonie.
Il regarde longtemps, longtemps cherche sans voir.

Comme un marbre de deuil tout le ciel était noir.
La Terre sans clartés, sans astre et sans aurore,
Et sans clartés de l’âme ainsi qu’elle est encore,
Frémissait. — Dans le bois il entendit des pas,
Et puis il vit rôder la torche de Judas.

LE SILENCE
S’il est vrai qu’au Jardin sacré des Ecritures,
Le Fils de l’Homme ait dit ce qu’on voit rapporté ;
Muet, aveugle et sourd au cri des créatures,

Si le Ciel nous laissa comme un monde avorté,
Le juste opposera le dédain à l’absence
Et ne répondra plus que par un froid silence
Au silence éternel de la Divinité.

 

Lecture de la Bible

Luc 11:1-13

Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu'il eut cessé, un de ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à prier, comme Jean l'a enseigné à ses disciples. 2 Il leur dit : Quand vous priez, dites : Père ! Que ton nom soit sanctifié ; Que ton règne vienne [sur nous] (ou « Que vienne ton Esprit-Saint et nous purifie ! ») 3 Notre pain extraordinaire, donnes-le nous au jour le jour ; 4 Pardonne-nous nos péchés, car nous aussi, nous pardonnons à quiconque nous offense ; Et ne nous laisse pas entrer dans l’affliction.

5 Jésus leur dit encore : Lequel d'entre vous aura un ami qui se rendra chez lui au milieu de la nuit pour lui dire : Ami, prête-moi trois pains, 6 car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n'ai rien à lui offrir ? 7 Si, de l'intérieur, l'autre lui répond : Ne me cause pas d'ennui, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi nous sommes au lit, je ne puis me lever pour te donner (des pains) — 8 je vous le dis, même s'il ne se lève pas pour les lui donner, parce qu'il est son ami, il se lèvera à cause de son importunité et lui donnera tout ce dont il a besoin.

9 Et moi, je vous dis : Demandez et l'on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira. 10 Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et à celui qui frappe on ouvre. 11 Quel père parmi vous, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre ? Ou (s'il lui demande) du poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d'un poisson ? 12 Ou s'il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? 13 Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent.

Genèse 32:25-31

Jacob resta seul. Alors un homme se battit avec lui jusqu'au lever de l'aurore. 26 Voyant qu'il ne pouvait le vaincre, (l’homme) le frappa à l'articulation de la hanche ; et l'articulation de la hanche de Jacob se démit pendant qu'il se battait avec lui. 27 L'homme dit : Laisse-moi partir, car l'aurore se lève. (Jacob) répondit : Je ne te laisserai pas partir sans que tu me bénisses. 28 L'homme lui dit : Quel est ton nom ? Il répondit : Jacob. 29 (L'homme) reprit : Jacob ne sera plus le nom qu'on te donnera, mais Israël ; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur. 30 Jacob l'interrogea en disant : Je t'en prie, indique-moi ton nom. Il répondit : Pourquoi demandes-tu mon nom ? Et il le bénit là. 31 Jacob donna à cet endroit le nom de Péniel ; car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée.

(Cf. traduction NBS et Colombe)