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Croire avec les autres ou contre les autres ?

(Matthieu 7:12 ; Matthieu 5:22 ; Luc 19:1-10)

(écouter, culte entier, imprimer la feuille)

Dimanche 6 novembre 2022
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot

Sébastien Castellion s’indigne de voir les humains s’entredéchirer. Il s’interroge à la façon d’un médecin qui examine les symptômes nous faisant souffrir, faisant ensuite le diagnostic puis proposant un remède. C’est comme cela que Castellion explique sa démarche, elle me semble intéressante pour notre époque. Le diagnostic est proche de celui qui préoccupe Castellion : un manque de considération pour l’autre. Un manque de miséricorde. Un manque de cette qualité d’être que l’on appelle dans le grec de l’Évangile « l’agapè », le souci de son prochain. Ce problème me semble être le père de tous les problèmes car il n’existe aucune difficulté qu’une humanité unie ne pourrait résoudre : ni les guerres, ni la crise écologique, ni les épidémies, ni les injustices, ni les famines, ni la violence, ni la désinformation, ni le désespoir.

Castellion trouve le remède dans cette parole universelle de Jésus :

« Tout ce que vous voulez que les humains fassent
pour vous, faites-le de même pour eux,
c’est la loi et les prophètes. »( Matthieu 7:12)

Se souvenir que notre prochain est aussi une personne qui a une conscience, c’est une perspective qui doit l’emporter sur toute autre considération.

De cela, Castellion tire des idées tout à fait pratiques : Tu es persuadé de dire la vérité ? Mais l’autre aussi est persuadé de dire la vérité. Chacun sa propre conscience. Castellion interpelle alors ceux qui penseraient forcer la conscience d’autrui « Voudriez-vous qu’on forçat la vôtre ? », « apprenez de votre propre conscience à ne pas forcer celle d’autrui ».

Castellion avance que la pire des erreurs n’est pas de se tromper d’opinion, le pire consiste en deux choses :

Castellion a raison, bibliquement, de considérer que la véritable hérésie n’est pas d’avoir des idées fausses, mais c’est d’être à faux : de ne pas être fidèle à sa conscience, de ne pas espérer Dieu, mais d’être attaché par dessus tout à nos idoles, quelles qu’elles soient. Alors qu’avec une personne sincère dans sa recherche, il est plus facile pour Dieu et pour nous-même de discuter, et donc de s’entendre.

Le « forcement des consciences » est un crime car il écarte la personne de sa propre conscience. C’est ce que Castellion reproche à son époque. Hélas, c’est loin d’être terminé : de bien des façons aujourd’hui, les pressions montent en puissance : dans la société civile avec de nouvelles polices des consciences comme le « wokisme ». Dans les religions aussi, pour ne parler que du christianisme : de nouvelles raideurs apparaissent, avec des églises refusant de collaborer avec d’autres, imposant à leurs fidèles de croire tel ou tel dogme, interdisant d’être ceci ou cela et même parfois d’aimer et épouser telle catégorie de personnes... tout cela au nom du Christ, bien sûr.

Jésus n’était absolument pas comme ça.

Dieu, viens à notre aide !

Castellion reconnaît que toutes les idées ne sont pas également bonnes, ni justes. Alors comment faire ? Castellion propose deux pistes à combiner :

Cette façon d’être que propose Castellion me rappelle ce que le philosophe Lévinas dit de notre prochain : son visage nous parle, dans sa vulnérabilité, il nous dit «respecte-moi » et il nous dit « écoute-moi ». Le fait que l’autre m’échappe est même une expérience tout à fait essentielle pour nous.

Cette notion revient très souvent dans les paroles de Jésus. Je vous en propose ici quatre très courts exemples, puis je vous proposerai de voir avec Zachée comment avancer grâce aux autres et malgré les autres sur notre chemin de foi.

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Nous voyons Zachée avancer dans la foi en partie grâce aux autres, en partie malgré les autres.

« Zachée cherchait à voir qui était Jésus » nous dit le texte : pour cela, il faut qu’il y ait eu des personnes pour lui dire que du bien pouvait venir de ce Jésus. Nous sommes dans le même cas. Si nous entendons parler de Jésus c’est grâce à une foule de personnes qui, à travers une centaine de générations, se sont passé la nouvelle jusqu’à ce parent, cette grand-mère ou ce collègue qui nous a parlé du Christ. Pourquoi cette personne a fait cela ? C’est sans doute que sa foi était importante pour elle et qu’elle s’est dit qu’il pourrait en être de même pour nous. Derrière ce geste il y a bien la règle d’or : ce que vous voulez que l’on fasse pour vous faites-le pour les autres.

Ce geste devrait être à la fois naturel et modeste : naturel quand je reconnais l’autre comme étant de la même espèce que moi, et modeste car il a sa propre conscience, sa sensibilité : il a bien sûr le droit de ne pas être intéressé de la même façon que moi. Dire à l’autre notre foi ou notre philosophie devrait être simplement comme quand on a trouvé une recette de cuisine délicieuse et facile à faire : nous sommes heureux d’en parler à un ami, ce qui ne l’oblige pas à l’essayer.

Sans les autres nous ne serions peut-être pas sans Dieu (car il interagit directement au cœur de chacun) mais nous ne serions pas chrétien, et à vrai dire nous n’aurions même pas le langage. Donc oui, si nous avons la foi c’est en grande partie grâce aux autres.

C’est bien, mais ensuite, Zachée se rend compte que la foule fait obstacle à une véritable connaissance du Christ. Pour cela, Zachée doit maintenant passer par dessus cette foule qui lui a permis de se mettre en route vers Jésus. C’est notre cas. Nous avons à passer par dessus la théologie des autres et par dessus notre église pour nous faire notre propre expérience de foi et nos propres croyances.

Pour cela Zachée se déplace et grimpe dans cette sorte de pauvre figuier que l’on appelle en Judée un sycomore. Monter dans un figuier était alors une figure de l’interprétation de la Bible. C’est ce travail personnel de recherche qui nous permet, en tant qu’individu, de passer par dessus l’obstacle de la foule et d’avoir notre propre point de vue sur le Christ, sur Dieu et sur notre existence. C’est ce que la Réformation a cherché à rendre possible. Sébastien Castellion s’y est attaché, comme enseignant et comme traducteur et vulgarisateur de la Bible. C’est un travail d’élaboration de notre propre conscience, un travail que personne ne peut faire à notre place. Seulement, là encore, c’est grâce à d’autres que nous pouvons progresser dans « l’art de doute et de croire, d’ignorer et de savoir ». C’est la mission de l’Église, qui doit être ambitieuse pour les fidèles mais modeste en s’interdisant de penser à leur place !

Viennent alors le croisement de regards et de paroles entre Jésus et Zachée. Jésus lève les yeux vers lui et lui parle. Chaque personne est regardée ainsi par Dieu. Ces croisements de regard, de paroles, et de gestes pour se rejoindre, ils signifient pour nous un rapport personnel avec Dieu en Christ. C’est une ligne de plus en plus directe entre Dieu et nous. D’abord grâce aux autres par leur témoignage, puis par nous-même sans les autres dans notre propre étude, et enfin directement en face à face avec Dieu, dans la prière, dans notre conscience.

Vient alors un nouveau chapitre dans notre vie spirituelle, c’est le retour sur terre dans la vie quotidienne avec les autres. Zachée y est maintenant accompagné de Jésus, il est vivant par la foi.

Des personnes se mettent à calomnier Zachée, et du coup, injurient Jésus venant chez lui. Quelle qu’en soit la raison : jalousie contre sa richesse matérielle et spirituelle ? Préjugés contre sa catégorie socio-professionnelle de péager alors qu’il était en réalité un homme juste et généreux même avant de rencontrer Jésus ? En tout cas, cette foule qui avait aidé Zachée à avoir la foi se met à mépriser Zachée et la foi. Comme le dit Jésus, avoir ce regard sur un autre est une sorte de meurtre (Matthieu 5:21-22).

Nous sommes comme ça, un être capable du bien et capable du mal. C’est là que la parole de Jésus sur la paille et la poutre(Matthieu 7:3) ou sur le lancer de première pierre (Jean 8:7) est excellente : même quand mon prochain est fautif, il m’apprend quelque chose. En apercevant la paille dans son œil il peut me venir à l’idée de sentir ma propre poutre. Scandalisé par l’adultère de telle personne, je peux travailler à discerner mes propres lâchetés. Pour être capable de ce geste salutaire il nous faut ce regard que Jésus nous suggère d’avoir : l’autre aussi pense à la première personne, comme moi-même. L’autre aussi à ses faiblesses, ses blessures, ses désirs, sa conscience. Comme moi-même.

Quand il nous vient à penser que l’autre est nul, nous dit Jésus, notre problème en l’occurrence, ce n’est pas la nullité de l’autre : le problème c’est nous-même et notre façon de juger, mieux vaudrait alors pour nous bénéficier d’un passage dans le feu de Dieu(Matthieu 5:22), nous y apprendrions que le jugement de Dieu est comme un feu qui purifie le minerai, révélant l’or qui était caché dans une vulgaire pierre. Ce jugement de Dieu, son feu, c’est l’amour, c’est l’espérance que l’or qui est au fond de nous pourra briller d’une chaude lumière sur ce monde.

« Cet homme est aussi un enfant d’Abraham ». Ce « aussi » dit tout. C’est notre prochain et nous-même que Dieu bénit et dont il espère que nous serons une bénédiction pour la multitude.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

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Textes Bibliques

Matthieu 7:12

Tout ce que vous voulez que les humains fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes.

Marc 12:31

Jésus dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Matthieu 7:3-5

3 Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil? 4Ou comment peux-tu dire à ton frère: Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien? 5Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère.

Jean 8:3-11

Des hommes dirent à Jésus : Maître, voilà cette femme qui a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes: toi donc, que dis-tu ? ... 7Jésus leur dit : Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle... 9Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers...

Matthieu 5:21-22

Jésus dit : Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens: Tu ne tueras pas; celui qui tuera est passible de jugement.

Mais moi, je vous dis : que quiconque se met en colère contre son frère est passible de jugement; que celui qui dira à son frère: « tu es nul » mérite d’être puni par le tribunal; que celui qui lui dira: « Insensé » mérite d’être dans le feu de la géhenne.

Luc 19:1-10

Jésus entra dans Jéricho et traversa la ville. 2Et voici qu’un homme appelé du nom de Zachée qui était chef des péagers et qui était riche 3cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas, à cause de la foule, car il était de petite taille. 4Il courut en avant et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu’il devait passer par là.

5 Lorsque Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison. 6Zachée se hâta de descendre et le reçut avec joie.

7 En voyant cela, tous murmuraient en disant : Il est entré loger chez un homme pécheur. 8Mais Zachée, debout, dit au Seigneur : Voici, Seigneur : Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j’ai extorqué une somme à quelqu’un, je lui rends le quadruple.

9 Jésus lui dit alors : Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un enfant d’Abraham. 10Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

 

(voir traduction NEG)